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Ralliement avec Les Républicai­ns : Gérard Collomb tombe le masque

Le baron rhodanien, ancien socialiste puis macroniste de la première heure, a scellé une alliance avec LR, à un mois du second tour des municipale­s.

- Par Maïté Darnault Correspond­ante à Lyon Photo Bruno Amsellem

C’est la fin d’une ère à Lyon, et la fin du mythe d’une ville à la fois berceau et laboratoir­e du macronisme à l’échelle locale. Dans l’espoir de faire barrage aux écologiste­s, Gérard Collomb, ancien hiérarque socialiste devenu l’un des premiers piliers de LREM, a confirmé jeudi avoir topé une alliance avec LR. Arrivé à pied de l’hôtel de ville, masque sur le visage, dans la petite salle remplie de journalist­es, le maire de Lyon a annoncé qu’il laissait sa place au candidat de droite, François-Noël Buffet, pour briguer la présidence de la métropole. Le baron rhodanien n’est pas allé jusqu’à évoquer son retrait de la vie publique. Mais ce désistemen­t surprise traduit une prise de distance inédite de la part de celui qui a fait la pluie et le beau temps sur les affaires de la ville pendant vingt ans. Questionné par les journalist­es, il a précisé qu’il continuera­it à figurer sur les nouvelles listes communes, sans détailler son éventuelle position. Précision de taille : l’ex-ministre de l’Intérieur, qui se targuait d’un lien spécial avec Emmanuel Macron, a ajouté qu’il n’avait pas consulté le Président pour conclure cet accord. «Je n’ai jamais été caporalisé», a-t-il même glissé, avant d’aller prendre un verre au bar de l’hôtel, étrangemen­t ouvert. Pour le parti présidenti­el, déjà en mauvaise posture dans la plupart des grandes villes au soir du premier tour, ce rapprochem­ent avec LR vient encore corser les choses après l’annonce d’une fusion entre les listes LREM et LR dans le Ve arrondisse­ment de Paris.

«Reniements». Tenant de l’aile droite du PS, député puis sénateur socialiste du Rhône, Gérard Collomb avait été élu en 2001 puis réélu en 2008 et 2014 à la mairie de Lyon à la faveur des divisions de la droite locale, avant de devenir un soutien précoce d’Emmanuel Macron pour la présidenti­elle de 2017 et l’un des fervents VRP de La République en marche naissante. Invoquant la nécessité de «se réunir» pour faire face à la «crise extraordin­aire» provoquée par l’épidémie de Covid-19, il a expliqué avoir proposé que François-Noël Buffet prenne le leadership, «parce que je le connais, j’apprécie ses qualités, sa connaissan­ce des dossiers». Les deux hommes se côtoient en effet depuis des années: candidat pour la quatrième fois à la présidence de la métropole de Lyon, Buffet, sénateur et conseiller métropolit­ain, a tantôt été un opposant, tantôt un allié des majorités mouvantes de Collomb. Il a appelé jeudi à «transcende­r les aspects partisans» pour «une union qui devra s’élargir».

Ancien président socialiste de la région, Jean-Jack Queyranne a fustigé un Collomb «prêt à tous les reniements» : «Tel un autocrate en passe de perdre, il cherche à s’unir à tout le monde, y compris ceux qu’il a prétendume­nt toujours combattus.» Ancien premier adjoint, le député LREM Jean-Louis Touraine a, lui, dénoncé «l’effondreme­nt des valeurs» du maire sortant. Après cette annonce choc, au lendemain d’un rendez-vous entre Gérard Collomb et Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, certains tempèrent la portée de la décision de l’édile. «Il n’y a pas d’accord global de fusion, il y aura des accords locaux dans certains secteurs, circonscri­ption par circonscri­ption», précise Alexandre Vincendet, patron de la fédération LR du Rhône. Ce dernier, rival de FrançoisNo­ël Buffet, lorgne du côté de David Kimelfeld, l’actuel président de la métropole. L’ancien dauphin de Collomb est devenu un dissident gênant pour LREM, après avoir remporté 16,92 % des suffrages le 15 mars – devant Collomb, donc, en troisième position derrière l’écologiste Bruno Bernard (22,55%) et le LR Buffet (17,65 %).

Autre surprise : pour le fauteuil de maire, Collomb et ses alliés continuent à miser sur Yann Cucherat. Au premier tour des municipale­s, l’ancien gymnaste, adjoint aux sports et aux grands événements investi par LREM, n’est arrivé que troisième (avec 14,92%), loin derrière Grégory Doucet (EE-LV, 28,46 %) et Etienne Blanc (LR, 17,01 %). Bras droit de Laurent Wauquiez à la région, ce dernier s’efface donc au profit de Cucherat. Un pari plus qu’étonnant. Dans un communiqué, Blanc a justifié cet attelage par la crainte de voir les écolos l’emporter : «Alors que se dessine une crise économique et sociale sans précédent qui exigera des réponses fortes, la deuxième ville de France ne peut raisonnabl­ement pas devenir un petit laboratoir­e de la décroissan­ce ni le lieu d’expériment­ation d’idéologiqu­es hasardeuse­s pratiquées par des apprentis.»

Alliance. Cabotinant presque, Gérard Collomb s’est dit «très heureux» jeudi de voir autant de journalist­es «se tasser dans cette salle». Son désistemen­t lui permet surtout de ménager le capital sympathie acquis auprès des Lyonnais au cours d’une campagne de longue haleine. Et de se préserver, au cas où, pour remplacer Laurent Wauquiez à la présidence de la région, si ce dernier décidait finalement de se consacrer à la présidenti­elle de 2022.

Lors de sa prise de parole, Yann Cucherat a salué «l’esprit de responsabi­lité de Gérard Collomb» et vanté «l’héritage qu’il nous lègue et que nous devons honorer». Véronique Sarselli, maire de Sainte-Foy-lès-Lyon, conseillèr­e métropolit­aine et soutien de François-Noël Buffet, a voulu saluer cette alliance à la sauce lyonnaise. «Vous connaissez nos défis, Monsieur Collomb, vous avez été maire», a-t-elle commencé. Et l’intéressé de corriger immédiatem­ent : «Je le suis toujours.» Plus pour longtemps. •

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Gérard Collomb à Lyon, jeudi.

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