Ségur de la santé : vraie réforme ou opération de com ?
«Les grands-messes à Ségur ? On connaît, ironise le Dr Jacques Battistoni, qui préside MG France, premier syndicat de médecins généralistes. Avec Marisol Touraine [ministre de la santé du gouvernement Hollande, ndlr], il y en avait au moins une par an. Cette fois-ci, on s’interroge. C’est une opération de com, mais n’est-ce qu’une opération de com ?»
Le Ségur de la santé, du nom de l’avenue où est logé le ministère, vient de vivre une première semaine incertaine, confuse, peu novatrice. Revenons d’abord sur le fonctionnement de ce drôle d’objet. Au sein du comité Ségur national, 80 personnes, qui représentent quarante organisations ou structures, sont regroupées en visioconférence. Il y a de tout, des syndicalistes, beaucoup de médecins, des représentants de structures médico-sociales, et des absents de marque, à commencer par le collectif Inter-Urgences, pourtant à l’origine du mouvement de grève lancé il y a près de deux ans. «C’est incompréhensible et décevant», nous dit Hugo Huon, infirmier qui fut leur porte-parole. Autre absence notable, celle des infirmières, en très petit nombre, et des représentants des malades. «Les malades chroniques, c’est 20 millions de personnes. On n’est quasiment pas représentés, alors que si on nous avait écoutés pendant la crise, les choses auraient peut-être été moins difficiles», dit Marie Citrini, représentante des usagers de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Comment tout ce petit monde va-t-il travailler ensemble ? C’est l’inconnu. Il y a des groupes de travail aux intitulés très administratifs, avec quatre grands piliers : «Transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent», «Définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins», «Simplifier radicalement les organisations et le quotidien des équipes» et «Fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers». Avec, en haut, un comité national et, en parallèle, un groupe spécial sur les carrières et les rémunérations.
Pour faire tourner cette architecture délicate, l’ancienne secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat sera épaulée par trois inspecteurs généraux des affaires sociales aux profils extrêmement classiques. «Sur la méthode de travail, on ne sait rien, j’attends un calendrier», constate le Dr Battistoni. «C’est le flou, on ignore qui participe au groupe de travail, on sait juste qu’il y a un comité de pilotage qui se réunira tous les jeudis», lâche la Dre Anne Gervais, du collectif Inter-Hôpitaux.
Clairement, le gouvernement n’a donc pas choisi de débat public, ni même de faire fonctionner de façon transparente une démocratie sanitaire. «Ce n’était pas vraiment possible vu l’objectif de faire vite», concède-t-on au ministère de la Santé. Si on laisse de côté la question des rémunérations, les dossiers chauds sont archiconnus.
«Le risque, c’est qu’ils veulent du consensus. Or, pour avancer, il ne faut pas avoir peur des divergences», s’inquiète le Pr André Grimaldi, coordonnateur du «manifeste des soignants».
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