Essai
Julien Cueille Le symptôme complotiste. Aux marges de la culture hypermoderne Erès «sociologie clinique», 280 pp., 25 € (en librairies le 4 juin).
Voilà un livre qui tombe à pic, et même en plein pic de la florissante production complotiste alimentée sur tous les réseaux du monde par la pandémie du Covid-19. Enseignant, agrégé de philosophie et docteur en études psychanalytiques, Julien Cueille livre ici une analyse très complète du conspirationnisme, et plus précisément des rapports déréglés entre le développement de la science et de son bras armé qu’est la technique, qui normalement devrait «éradiquer l’irrationnel», et la persistance, sinon l’accroissement exponentiel des théories les plus farfelues et autres bricolages intellectuels, faux savoirs, croyances contre lesquels la «vérité» ne peut rien. En suivant une démarche anthropologique et en utilisant les concepts de la psychanalyse, Cueille concentre son attention sur le monde des adolescents, et montre que leur façon d’accepter assez facilement les «vérités alternatives» – et donc de soupçonner des intrigues cachées sous la «vérité officielle», qui est celle du pouvoir, du «père» – doit certainement quelque chose à une résistance contre le «contrôle» imposé par la société, ou à la création d’aires «sacrées» dans lesquelles peuvent s’effectuer les «rites de passage» que la société désenchantée n’offre plus. R.M.