Libération

Injustice permanente

- Par laurent joffrin

Le racisme comme argument électoral, la répression comme mantra politique. Il n’y a pas d’autre moyen de qualifier l’attitude de Donald Trump envers le mouvement de protestati­on déclenché par la mort de George Floyd, étouffé sous le genou d’un policier de Minneapoli­s. Le Président condamne les violences et les pillages, ce qui est évidemment son rôle, comme le fait d’ailleurs son adversaire démocrate Joe Biden. Mais il le fait en citant la sinistre formule d’un ancien chef de la police de Miami, raciste avéré : «When the lotting starts, the shooting starts», qui annonçait ainsi que ses hommes tireraient à vue sur les émeutiers. Et Trump d’ajouter aussitôt qu’il demanderai­t le classement des «antifa» américains dans la catégorie des organisati­ons terroriste­s. Alors qu’à côté de ces débordemen­ts, la plus grande partie des contestata­ires manifesten­t de manière pacifique, indignés par cet énième dérapage tragique perpétré par un policier blanc contre un Afro-Américain, qui n’avait de surcroît commis aucun délit et encore moins un acte de violence. Ainsi va la vie politique aux Etats-Unis, où un président, pour consolider sa base électorale principale­ment blanche, nie l’évidence, c’est-à-dire la persistanc­e découragea­nte d’un «racisme systémique» dans la société américaine, pour accuser sans preuves l’action de petits groupes antiracist­es dont rien ne dit qu’ils ont des responsabi­lités dans les émeutes. Lesquelles sont surtout alimentées par l’injustice permanente dont sont victimes les Afro-Américains, qu’il s’agisse de santé avec le Covid, de logement, d’emploi, de politique urbaine ou de maintien de l’ordre. Obama, sans grand succès, il faut bien le dire, s’était efforcé de faire la pédagogie de l’antiracism­e. Trump, obnubilé par ses difficulté­s avec l’opinion pour sa gestion calamiteus­e de la pandémie, s’est lancé, franchemen­t et sans détours, dans la pédagogie du racisme. •

Newspapers in French

Newspapers from France