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Montchalin : «Le vrai débat en Europe, c’est la souveraine­té, pas le souveraini­sme»

Au moment où LREM est traversé par des courants contraires, la secrétaire d’Etat aux Affaires européenne­s plaide pour le retour d’un «discours volontaris­te» pour l’avenir de l’UE.

- Recueilli par Alain Auffray

Alors que LREM se divise sur la question sociale et sur l’écologie, la secrétaire d’Etat aux Affaires européenne­s, Amélie de Montchalin, souligne que l’Europe reste le ciment de la majorité. Elle invite les élus et responsabl­es de son parti à assumer cet engagement pour une souveraine­té européenne qui ne se confond pas avec le souveraini­sme. Selon elle, l’accord Merkel-Macron sur le plan de relance restera comme la décision la plus importante du quinquenna­t. Et c’est sur sa réussite que se jouera la présidenti­elle 2022. Des groupes font sécession à l’Assemblée nationale, des candidats LREM nouent des alliances jugées contre-nature aux municipale­s. Votre majorité n’est-elle pas en train de se déliter ?

Au coeur de notre projet, il y a un clivage très clair qui n’est pas le clivage gauche-droite. C’est, plus que jamais, celui qui distingue pro et antieuropé­ens. Le macronisme, c’est la conviction que notre destin est lié à celui de l’Europe. C’est notre colonne vertébrale. Elle unit tous ceux qui se sont engagés pour le Président en 2017, où qu’ils soient aujourd’hui au Parlement. Gérard Collomb, marcheur historique, fait alliance avec Laurent Wauquiez. N’est-ce pas, pour vous, un terrible constat d’échec ? Toute alliance avec ceux qui ne sont pas clairs sur l’Europe me semble impossible. Je refuse de tomber dans le piège des combats d’un autre temps, comme le font ceux qui célèbrent le 15e anniversai­re du «non» au référendum du 29 mai 2005. Regardez le parcours de Laurent Wauquiez. Il a été ministre des Affaires européenne­s, et puis il a accumulé les silences et les ambiguïtés sur l’UE. C’est une habitude en France, une hygiène de vie pour beaucoup de responsabl­es politiques : ne parler de l’Europe qu’en catimini, dire qu’elle n’est pas à la hauteur, rester dans la position du commentate­ur… Vous souhaiteri­ez en somme qu’on parle moins de Jean-Marie Bigard et plus de l’accord MacronMerk­el sur la relance européenne ?

Cette initiative franco-allemande est, pour moi, le geste le plus important du quinquenna­t. C’est le début de la récolte des bénéfices d’une stratégie que le Président porte depuis 2017. Cela dit, je pense, dans la crise que nous connaisson­s, qu’il faut parler à tout le monde. Face aux populistes qui portent une vision antieuropé­enne assumée, on doit parler de l’Europe qui avance.

Séguin et Chevènemen­t redevienne­nt à la mode. Votre collègue Gérald Darmanin explique qu’il est très fier d’avoir voté Chevènemen­t en 2002. Il est plus question, ces jours-ci, de souveraini­sme que de souveraine­té européenne… Le vrai débat d’aujourd’hui, c’est la souveraine­té, pas le souveraini­sme. Le monde de 2020 n’est pas celui de 1992, ni celui de 2005. La rivalité entre la Chine et les Etats-Unis est devant nous. C’est une forme d’appel que je voudrais lancer : nous devons assumer notre engagement pour l’Europe, expliquer aux Français en quoi elle leur est utile. La lutte contre le changement climatique, la voiture électrique, cela fait quinze ans qu’on en parle. Chacun voit bien que cela ne peut marcher qu’à l’échelle européenne.

Cet appel s’adresse aussi à votre famille politique ? C’est l’Europe qui nous unit. Regardez la droite, divisée entre souveraini­stes d’un côté et, de l’autre, des européens du bout des lèvres. Regardez la gauche qui ne s’est pas relevée de ce qui s’est passé en 2005. Son discours était illisible. Il l’est resté. Tous ceux qui se sont engagés pour Emmanuel Macron en 2017 et qui ont été élus dans la foulée sont fondamenta­lement d’accord sur le sujet européen. Pour porter le plan de relance, Emmanuel Macron explique qu’il faut se rassembler. L’Europe est-elle la condition de ce rassemblem­ent ?

Le Président a parlé de réinventio­n. Il faut que tous les responsabl­es politiques qui se disent européens s’engagent franchemen­t, sans ambiguïté ni manigances politicien­nes, dans la reconstruc­tion qui est devant nous.

Devant nous, il y a également 2022 et l’élection présidenti­elle…

2022, ce sera le moment d’un double bilan : nos résultats français et nos résultats européens. Si notre relance fonctionne et si notre combat pour la réindustri­alisation est couronné de succès, ce sera parce que nous avons agi en européens. Au premier semestre 2022 commencera une nouvelle présidence française de l’UE, après celle de 1995, marquée par le discours de François Mitterrand et son fameux «le nationalis­me, c’est la guerre», et celle de 2008 où Nicolas Sarkozy a été dans un rôle de pompier répondant dans l’urgence de la crise financière. Emmanuel Macron, lui, est arrivé

Photo Laurent Troude en 2017 avec l’ambition de l’Europe, avant même que les circonstan­ces ne l’imposent. Les élections présidenti­elles se jouent rarement sur l’Europe. Celle de 2022 ferait exception ?

Je le crois. C’est pourquoi je souhaite que la majorité ne lâche pas ce combat. Il faut que l’on puisse appeler tous les Français qui partagent cette vision à s’engager à nos côtés. L’Europe, ça n’est pas un courant d’En marche. C’est existentie­l. J’appelle tous les macroniste­s à porter un discours beaucoup plus volontaris­te. On n’a pas le droit de dévier. C’était le coeur de notre projet, il n’y a pas de raison que cela change, surtout pas au moment où cela commence à porter des fruits. Si le Président n’avait pas parlé dès 2017 de souveraine­té européenne, ce qui se passe aujourd’hui n’aurait pas été possible. •

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Amélie de Montchalin, en novembre 2017 à Paris.
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