Libération

Dernier hommage pour George Floyd

Deux semaines après sa mort à la suite de son interpella­tion à Minneapoli­s, George Floyd a été enterré mardi à Houston, au Texas. La veille, des milliers de personnes s’étaient rendues à la chapelle Fountain of Praise pour un dernier hommage.

- Par Thomas Harms Envoyé spécial à Houston (Texas)

Un à un, les membres de la famille de George Floyd ont pénétré mardi matin dans l’église bondée Fountain of Praise à Houston, au Texas. Nombreux sont vêtus de blanc pour un dernier hommage à cet Afro-Américain de 46 ans tué par le policer blanc Derek Chauvin. Un adieu tout en sobriété, en fébrilité et beaucoup de monde pour des funéraille­s privées : des élus démocrates et républicai­ns locaux, des militants, comme ceux de l’associatio­n pour le contrôle des armes Moms Demand Action, mais aussi cette anonyme qui tient une pancarte «Trump est un idiot».

Mis à l’honneur

Quelques-uns portent un masque Black Lives Matter. Soudain, un Afro-Américain en tenue paramilita­ire se fait refouler par un policier noir en civil: «Get your knee off my neck» («enlève ton genou de mon cou»), se met-il à crier. Signe d’une certaine tension et d’une vive émotion. A l’intérieur de la chapelle, la musique et les gospels accompagne­nt un montage vidéo montrant George Floyd vivant une dernière fois. «C’est l’heure de célébrer sa vie, lance la pasteure Mia Wright en ouvrant la cérémonie funèbre. Nous allons peut-être pleurer, faire notre deuil, mais nous allons trouver du réconfort et de l’espoir.»

L’oraison funèbre prononcée par Al Sharpton, critique acerbe de Donald Trump est très politique comme celle qu’il avait déjà faite la semaine dernière à Minneapoli­s. Le maire démocrate de Houston et l’élue du district, Sheila Jackson Lee, une fervente combattant­e de la cause afro-américaine au Congrès, prennent la parole également. Puis le corps de George Floyd part enfin en calèche vers le cimetière pour reposer au côté de sa mère morte il y a deux ans, reparcoura­nt une ville qui l’a mis à l’honneur.

Lundi, sur la route qui mène des pompes funèbres à la chapelle Fountain of Praise, des centaines de drapeaux américains avaient été plantés. Ils étaient des milliers à faire la queue en plein soleil, sous 42° C, avec masques et gants pour rendre un ultime hommage. Beaucoup d’Afro-Américains, mais également des Asiatiques, quelques Amérindien­s, des Latinos, des Blancs. Il y a des familles, des groupes d’amis, beaucoup de trentenair­es ou des aînés qui ont vécu les années 60 et qui n’ont rien vu changer, ou si peu.

A côté de la file d’attente, une dame de 70 ans, blanche, demande aux arrivants : «Vous êtes inscrits sur les listes électorale­s ?» Caroline fait partie d’un petit groupe qui, document officiel en main, aide ceux qui ne l’ont pas encore fait à s’inscrire. «C’est la meilleure chose que l’on puisse faire pour honorer la mémoire de George Floyd et de tous ceux qui ont souffert pour obtenir leurs droits dans ce pays.»

«Blessure difficile à soigner»

Même si cette journée de lundi est dédiée à la mémoire de George Floyd, en filigrane, tout le monde pense au vent de changement que son meurtre a levé il y a deux semaines. Comme une vague que la plupart des anonymes espèrent voir durer jusqu’à novembre, quand le pays élira son prochain président. Nombreux sont ceux qui arborent, comme un flambeau, la phrase «I can’t breathe», sur des tee-shirts, des pancartes, des banderoles ou des masques. La veillée funèbre tourne en direct sur la plupart des chaînes d’informatio­n américaine­s. Les policiers sont nombreux, eux aussi. Mais les hommes en bleus, comme ils aiment s’appeler entre eux, ne sont pas mal considérés à Houston. Le chef de la police n’y est pas pour rien: Art Acevedo était présent dans la foule lors des manifestat­ions et des commémorat­ions en l’honneur de Floyd, sans rechigner à mettre le genou à terre en signe de respect. Devant la chapelle depuis les premières heures de la journée, Acevedo répond aux questions et se plie en rigolant aux nombreuses demandes de selfies.

Pendant sept heures, le flot des veilleurs ne discontinu­e pas. Quand les gens ressortent de la chapelle, ils sont juste hébétés, en pleurs ou en colère, après avoir vu le corps, et le visage de George Floyd dans son cercueil doré. Comme Denis Carpenter, venu spécialeme­nt de Kansas City (Missouri): «J’ai vu un homme qui devrait être ici avec nous, reposant dans un cercueil. C’est une expérience qui prend aux tripes. En tant qu’homme noir, ça fait mal, c’est une blessure difficile à soigner.»

Des personnali­tés politiques se mêlent à la foule anonyme. L’ex-vice président et candidat démocrate Joe Biden, lui, n’est pas venu saluer le corps mais est descendu du Delaware, qu’il n’avait quasiment pas quitté depuis trois mois, pour offrir ses condoléanc­es à la famille Floyd. Son service de sécurité craignait que sa présence ne perturbe les cérémonies en cours. Il devait participer mardi aux funéraille­s privées. Finalement, il n’interviend­ra que par l’entremise d’un message vidéo. •

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 ??  ?? Le frère de George Floyd, Philonise, réconforté par ses proches.
Le frère de George Floyd, Philonise, réconforté par ses proches.
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Durant les funéraille­s de George Floyd mardi, à la chapelle de Foutain of Praise de Houston.

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