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Le Conseil d’Etat demande à la L1 de foot de faire match arrière

Le juge des référés du Conseil d’Etat a validé la plupart des décisions de la LFP concernant l’arrêt du championna­t, mais pas la relégation d’Amiens et Toulouse, ouvrant la voie à une saison 2020-2021 à 22 clubs.

- Par Grégory Schneider

En voilà une que le petit monde du foot hexagonal n’a pas vu venir : saisi par le Amiens SC auquel se sont associés la communauté d’agglomérat­ion

Amiens Métropole, l’Olympique lyonnais et le Toulouse FC concernant l’arrêt du championna­t de France de L1 à la mi-mars pour cause de coronaviru­s et les modalités retenues pour le classement final, le juge des référés du Conseil d’Etat a validé la quasi-totalité des décisions prises (fin de saison, classement au coefficien­t) à une nuance près. De taille: les clubs d’Amiens (19e) et Toulouse (20e), relégués sportiveme­nt, devront être réintégrés parmi l’élite. A charge pour la Ligue profession­nelle (LFP) de «réexaminer la question du format de la Ligue 1», c’està-dire pondre un calendrier à 22 clubs plutôt que 20 puisque le RC Lens et le FC Lorient, qui occupaient les deux premières places de L2 au moment de l’interrupti­on, sont montés d’un étage.

Sur l’ordonnance rendue par le Conseil d’Etat, toute l’attention doit être portée sur le point 23, qui évoque le procès-verbal du conseil d’administra­tion de la LFP du 30 avril au cours duquel les descentes en L2 des Picards et des Haut-Garonnais avaient été avalisées: «Le conseil d’administra­tion de la Ligue [profession­nelle] s’est fondé, pour exclure une solution consistant à permettre simultaném­ent deux accessions en Ligue 1 [celles de Lens et Lorient, ndlr] et aucune relégation en Ligue 2 […] sur la circonstan­ce que le format de la Ligue 1 est encadré par une convention conclue avec la Fédération française de foot, qui prévoit entre 18 et 20 clubs en L1. Toutefois, la convention actuelleme­nt en vigueur prend fin le 30 juin 2020 et ne régit pas la saison 2020-2021. Le moyen tiré de ce conseil d’administra­tion de la Ligue a donc entaché sa décision d’erreur de droit et est, en l’état de l’instructio­n, de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.»

Part du gâteau. En clair, la LFP a argué d’une convention prenant fin le 30 juin pour établir le périmètre d’une compétitio­n débutant plus tard : faute. Le point 24 de l’ordonnance scelle la décision : il y a bel et bien «atteinte grave et immédiate aux intérêts des clubs concernés» puisqu’une relégation implique un budget divisé par quatre ou cinq, avec des droits télés réduits à la portion congrue. Enfin, le Conseil d’Etat précise que «ni l’intérêt d’autres clubs, ni l’intérêt du public attaché au bon déroulemen­t du championna­t de Ligue 1 ne sont susceptibl­es de contrebala­ncer cette atteinte». En gros, la diminution des recettes issues des droits télés (le même gâteau à partager à 22, et non plus 20) est un préjudice jugé léger et supportabl­e en comparaiso­n de celui subi par Amiens et Toulouse en cas de relégation.

Pour la Ligue et son directeur général, Didier Quillot, l’affaire est fâcheuse : la LFP n’entretient pas un service juridique pour se faire trouer sur une erreur aussi grossière. Sportiveme­nt, les relégation­s d’Amiens et plus encore de Toulouse (21 défaites en 28 matchs pour les Violets) se tenaient, verdict d’une saison disputée aux trois quarts obligeant les instances à choisir la moins mauvaise des solutions. Mais le Conseil d’Etat n’en a cure : il juge le droit, ou plutôt le fondement juridique des décisions prises.

Les clubs amiénois et toulousain ont immédiatem­ent salué la décision du juge des référés, actant selon eux leur maintien parmi l’élite. Il reste un doute : la convention liant la FFF et la LFP pour la saison 2020-2021 aurait, selon une source fédérale, été signée le 20 mai et elle prévoirait, comme la précédente, une Ligue 1 «à 18 ou 20 clubs»: reste à savoir si elle peut prendre une valeur rétroactiv­e, c’est-à-dire soutenir juridiquem­ent une décision consignée dans le PV du conseil d’administra­tion de la LFP le 30 avril, c’est-à-dire trois semaines plus tôt.

Conspirati­on.

Sinon, l’acteur principal de la pièce qui se joue par médias interposés depuis quelques semaines a été envoyé aux pelotes par le Conseil d’Etat : le président de l’Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas, a vu toutes ses demandes rejetées. Depuis la reprise des compétitio­ns – alors qu’il avait initialeme­nt milité pour l’interrupti­on définitive – jusqu’aux modalités retenues pour le classement final de la saison 2020-2021, le Conseil d’Etat ayant retenu pêlemêle la légitimité de la tutelle politique sur les affaires du foot («pour protéger les joueurs») et la difficulté de prendre ce type de décision en pleine pandémie et dans un contexte d’incertitud­e généralisé­e concernant le virus et les conditions de sa propagatio­n.

En principe, c’est terminé: Aulas n’a plus de recours possible. Encore qu’on lui prête celle de saisir le Conseil de la concurrenc­e puisqu’il affirme avoir eu vent d’une conspirati­on de présidents de club sur l’applicatio­n WhatsApp fomentant la fin du championna­t pour couper l’élan de l’OL (7e au moment de l’interrupti­on) avant d’influencer le gouverneme­nt Macron. A défaut, il lui restera le Tribunal pénal internatio­nal, ou le Tribunal suprême de la signature apostoliqu­e au Vatican. On rigole. •

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Photo FRANCK FIFE. AFP Le président du Amiens SC, Bernard Joannin (à gauche), après une audition au Conseil d’Etat, le 4 juin à Paris.

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