«Vandaliser les monuments avec poésie»
Que faire des monuments à la gloire des empires coloniaux : les détruire ou les ranger au musée ? Une alternative futée pourrait être de les détourner. Quatre artistes donnent leur vision.
La semaine passée se jouait une guerre des symboles particulièrement minée dans le Dakota du Sud, une terre sacrée jadis volée aux Sioux Lakotas, que le président Donald Trump a précisément choisie comme lieu de célébration de la fête nationale. Des feux d’artifice ont pétaradé devant le mémorial du mont Rushmore, ce monument considéré comme le «sanctuaire de la démocratie» par les uns, mais rebaptisé «sanctuaire de l’hypocrisie» par ces Indiens natifs qui voient en lui un hymne au suprémacisme blanc. Dans Libération, historiens et chefs sioux étaient clairs sur la revendication : réparons notre montagne sacrée. Ils concédaient néanmoins un petit flou sur la mise en pratique. Comment déboulonner les majestueuses têtes de granite des anciens présidents George Washington, Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et
Abraham Lincoln, régnant sur le paysage? A défaut de pouvoir déplacer leurs visages dans des musées, l’option 1 des minorités indiennes serait donc de les effacer. A moins qu’il y ait d’autres idées ?
Virage
Le photographe JR est peut-être déjà dans l’avion avec ses affiches à coller sur le flanc des Black Hills. De notre côté, on aurait plutôt rêvé de la réponse qu’aurait formulée le regretté Christo, serial empaquetteur de monuments mondiaux, dont le centre Pompidou à Paris vient d’inaugurer l’exposition posthume. Ou de la réponse, plus fendarde sans doute, qu’aurait suggérée Fernando Sánchez Castillo, vénérable troll d’oeuvres commémoratives, concepteur de fontaines où Staline et Hitler se crachent dessus et inventeur de l’indispensable Bird Feeder : un buste en bronze du roi d’Espagne Philippe V, conçu pour se faire chier dessus par les pigeons puisqu’un ingénieux mécanisme distribue en continu des graines pour armer les volatiles.
Alors faut-il le rappeler? Que ces oiseaux vandales ne sont pas les seuls à exprimer une pensée critique sur les oeuvres commémoratives installées dans nos espaces publics? Que les artistes, avec les activistes, sont aussi là pour vivifier les vieux symboles, c’est-à-dire pour les faire un peu chier ? Qu’en attendant de savoir s’il vaut mieux déboulonner les statues à la gloire des anciens empires coloniaux ou rentrer tout le monde au musée, qu’en attendant de trancher sur le pourcentage exact de saloperie dans l’âme de Jules Ferry, il existe une alternative futée, insolente, critique, qui consisterait à détourner ?
Krystel Gualdé, actrice d’un virage décolonial pour le musée d’Histoire de Nantes dont elle est la directrice scientifique, utilise plutôt le verbe «dialoguer». Depuis quelques années, «on invite des artistes contemporains à