Libération

Après la pandémie, les syndicats pas pressés de reparler des retraites

En remettant sur la table le projet de réforme, Jean Castex s’oppose aux centrales, pour qui l’urgence est désormais ailleurs.

- Frantz Durupt

Une grève massive dans les transports parisiens, des millions de personnes dans les rues et, pour couronner le tout, un coup de force législatif portant le doux nom de «49.3» décidé au cours d’un

Conseil des ministres censé être consacré à la crise naissante du coronaviru­s : c’est ainsi bardé que ressurgit le projet de loi de réforme des retraites, que tout le monde croyait commodémen­t enterré grâce au confinemen­t. Le moment est-il vraiment opportun ? Aux yeux du nouveau couple exécutif formé par Emmanuel Macron et Jean Castex, il semble que oui. «Nous ne renonceron­s pas» à la mise en place d’un système universel à points, a asséné le nouveau Premier ministre mercredi, lors de ses premières questions au gouverneme­nt devant l’Assemblée, jugeant ensuite devant le Sénat que le régime actuel n’était pas «juste».

«Pause».

Qu’importe donc l’unanimité affichée côté patronal et syndical. Pour François Hommeril, de la CFECGC, la place du projet de loi est dans un «placard». Laurent Berger, lui, n’a pas très envie de «se foutre sur la gueule» cet été, quand bien même le numéro 1 de lll

lll la CFDT défend le principe d’un régime universel à points. Même Geoffroy Roux de Bézieux, du Medef, pense qu’il vaudrait mieux «appuyer sur pause pendant quelques mois, pour qu’on mette toute notre énergie pour ce qui compte, c’est-à-dire l’outil de production». Quant à la CGT et FO, qui ont toujours été opposées au projet, elles souhaitent que tout le monde s’entende pour sécher une nouvelle concertati­on. Mais pourquoi tant d’empresseme­nt ? Parce que, a affirmé devant le Sénat, «refuser de parler des retraites lorsque l’équilibre des comptes, et donc la sauvegarde du système actuel, se trouvent compromis, serait irresponsa­ble». Crise du Covid-19 oblige, le besoin de financemen­t devrait atteindre 30 milliards d’euros cette année, contre 4 milliards initialeme­nt anticipés. Si le Premier ministre semble prêt à attendre un peu pour entériner le régime universel à points, il souhaite réunir les partenaire­s sociaux avant le 20 juillet pour entamer un travail sur la remise à l’équilibre des comptes du régime en vigueur. Il commencera dès ce jeudi à les recevoir en bilatéral, flanqué de la ministre du Travail, Elisabeth Borne, qui a hérité du dossier des retraites.

Abrogation.

Mais avec quelle idée en tête ? «La question du nombre d’années pendant lesquelles nous cotisons demeure posée», a tenté Emmanuel Macron dans un entretien avec la presse régionale. De quoi laisser craindre un retour de la question de l’âge de départ. Et justifier la levée de boucliers. «L’urgence n’est pas de faire travailler plus longtemps ceux qui ont du boulot, elle est de s’assurer que tout le monde a un boulot» : tel est l’état d’esprit global, résumé par le secrétaire général de FO, Yves Veyrier, à Libé.

Car aux yeux des centrales syndicales, le contexte économique impose de prendre des mesures pour sauvegarde­r l’emploi et protéger ceux qui perdront le leur. Or, sur ces sujets, Jean Castex s’est pour l’heure montré beaucoup moins prolixe, se bornant à assurer que le gouverneme­nt mettrait en place «des dispositif­s» pour aider les jeunes à entrer sur le marché du travail. Quant à la réforme de l’assurance chômage, les syndicats continuent de demander son abrogation pure et simple. En annonçant mercredi matin son intention de «décaler la mise en oeuvre» du deuxième volet et en rappelant que la réforme fut conçue «au moment où la France avait engrangé la plus forte baisse» du chômage, Castex a certes fait un geste. Mais il a aussi reconnu, à demi-mot, la philosophi­e profonde d’un texte visant à restreindr­e davantage les droits des personnes sans emploi. Ce dont atteste déjà une étude de l’Unédic sur le premier volet de la réforme publiée fin mai: avant même la crise sanitaire, au moins 20 000 personnes supplément­aires se voyaient refuser une ouverture de droits chaque mois.

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