Gardiens du temple
La sentence n’a rien de divin mais semble sans appel : les lois de l’architecture et du patrimoine sont imperméables à la volonté jupitérienne. Jeudi, l’audition de l’architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve, par la commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) a acté la reconstruction de Notre-Dame à l’identique. Adieu le titane, les jardins aériens ou les passerelles suspendues. Vive la charpente en bois, la toiture en plomb et la reconstruction de la fameuse flèche de Viollet-Le-Duc ! Sur le papier, l’avis de la CNPA est consultatif et c’est bien le chef de l’Etat qui prendra la décision. Mais sa nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a évoqué «le consensus» qui s’est dégagé sur cette option d’une restauration de la cathédrale telle qu’elle était avant l’incendie dramatique d’avril 2019. Exit, donc, le grand concours d’architectes dont avait parlé avec ferveur le président de la République peu après le sinistre. Son initiative avait largement contribué à alimenter la polémique entre les gardiens du temple des plans de Viollet-Le-Duc et les partisans d’un geste architectural contemporain. Emmanuel Macron rêvait peut-être secrètement d’avoir sa pyramide du Louvre à lui. C’est raté. L’homme pressé qu’il est se consolera à la perspective de voir ce chantier d’une restauration à l’identique potentiellement terminé pour les JO de 2024. Le candidat de la droite qu’il sera en 2022 se rassurera : ce choix ne heurtera pas son électorat. Les experts expliquent qu’il n’y avait pas d’autres options. C’est possible, même si l’histoire démontre qu’audace et cathédrales ont toujours fait bon ménage.
Les spécialistes auraientils raison qu’un regret demeure tant l’hyper-pragmatisme, technique, financier, semble avoir présidé à cette décision. Signe de la rudesse de l’époque, de la religiosité du bâtiment ? Mais le débat entre les anciens et les modernes n’aura finalement pas vraiment eu lieu. C’est pourtant dans ces interstices millimétrés entre conservation et rénovation, passé et avenir, architecture et politique, que se nichent les jolies surprises. •