LA PURGE DE JUILLET DE MARINE LE PEN
A l’approche des élections de 2021, le parti d’extrême droite a fait le tri dans sa commission d’investiture, en excluant des figures comme Nicolas Bay ou Gilbert Collard, pour renforcer la position de sa présidente.
Cette année, le Rassemblement national a choisi le mois de juillet pour faire ses coups en douce. Le mouvement d’extrême droite vient d’écarter plusieurs cadres de sa très stratégique commission d’investiture, en les prévenant par simple mail. Quatre d’entre eux sont membres du bureau national du parti, donc pas n’importe qui, et deux sont un peu plus que cela : Nicolas Bay et Gilbert Collard. Le premier a été secrétaire général du Front national (devenu RN). Le second, avocat de formation, médiatique mariniste à grande gueule, a vite dit vouloir «démissionner» en réponse. «La lettre part demain. Comme ça, ils n’auront pas à me virer», s’est-il emporté jeudi dernier dans le Figaro.
«Méthodes de gougnafiers»
Mais Collard a vite changé d’avis après que la patronne lui a offert une médaille en chocolat : «Je remercie Marine Le Pen, qui vient de me charger, en relation personnelle avec elle, de la question de la culture en vue de l’élection présidentielle !» a-t-il fanfaronné sur Twitter. Plus tard, Collard a précisé à la presse: «J’étais hors de moi. J’ai le sang chaud. Je ne suis pas marseillais pour rien. Qu’il y ait des remaniements de temps en temps à l’intérieur d’un parti, c’est dans l’ordre des choses. Surtout à l’approche d’échéances électorales importantes. Mais le minimum, c’est que les intéressés soient prévenus !» La décision ne va pas changer la vie de l’élu à Bruxelles, qui n’a presque jamais mis le pied à la commission d’investiture: une présence seulement en sept ans. «Ce genre de séances interminables, ça m’emmerde», se justifie l’avocat. Il n’a pas pu s’empêcher de préciser que ce qui lui arrivait était la conséquence de «petits règlements de comptes minables, des méthodes de gougnafiers. Il y a des coups de pied au cul qui se perdent». Bref, il y a de l’agitation au sein du RN.
Nicolas Bay, en vacances, n’a pas réagi. Très populaire au sein du parti, l’eurodéputé est peu apprécié par Marine Le Pen à cause de son passé mégrétiste et de sa proximité avec la nièce de la patronne du parti, au positionnement politique plus droitier encore, plus identitaire. «C’est hallucinant, souffle une source anonyme. Aujourd’hui, au RN, on ne peut plus avoir des amitiés pour Marion Maréchal, ça devient suicidaire. Il y a une trop grande paranoïa autour d’elle et des gens qui pourraient avoir les mêmes idées. Parce que le gâteau électoral se réduit, on purge. C’est un réflexe de clan.» Une autre source voit dans la manoeuvre la marque de Steeve Briois et de Bruno Bilde, respectivement maire de HéninBeaumont et député du Pas-de-Calais, dont l’obsession à protéger leur influence auprès de Marine Le Pen est bien connue. «Tout cela, ce sont des petits manèges contre ceux qui ne conviennent pas, explique cette source. Mais les comploteurs sont aussi dans l’anticipation: ils savent que les régionales risquent d’être mauvaises pour le parti, et ils veulent éviter qu’il y ait trop de témoins de leur déconfiture.»
Année désastreuse
Cette affaire est moins symbolique qu’en apparence : la commission d’investiture est le lieu privilégié au RN pour placer ses poulains à l’approche d’une élection. L’instance va désigner les 8 000 candidats du RN aux prochaines départementales et les 18 têtes de liste aux régionales. S’en faire exclure est une sanction. Après une année 2020 désastreuse, le mouvement lepéniste a les yeux rivés sur 2021, pariant sur les échéances à venir pour se trouver un nouvel élan, à quelques mois de la course à l’Elysée. Les dernières municipales ont été catastrophiques : le RN avait promis d’«inonder la France d’élus», mais à la fin, malgré la réélection de plusieurs de ses maires et la victoire de Louis Aliot à Perpignan, il a perdu la moitié de ses conseillers municipaux par rapport à 2014.
Avec l’objectif de se refaire, le RN vient de nommer Jordan Bardella directeur de campagne pour les régionales. Déjà député européen à 24 ans, il s’était fait remarquer comme tête de liste du scrutin de 2019. Il ne devrait pas être candidat lui-même l’an prochain, contrairement à ce qu’il avait quasiment annoncé en janvier. «Le mettre directeur de campagne, c’est pour dire qu’il n’a pas le temps d’être candidat, alors que pour les régionales c’est un poste bidon : il n’aura qu’un rôle de coordination très limité», analyse un cadre du parti. Bardella out, qui pourraient être les têtes d’affiche ? Dans les Hauts-deFrance, le député du Nord Sébastien Chenu pourrait être propulsé, malgré son résultat médiocre aux municipales (éliminé au premier tour dans la ville de Denain). Concernant la région Sud, le nom de l’ex-UMP devenu eurodéputé RN Thierry Mariani revient souvent. •