En Bulgarie, le Premier ministre face à un ras-le-bol généralisé
Sur le pont aux Aigles de Sofia flottent des drapeaux bulgares. Au sol, des tentes ont été installées à même le bitume pour bloquer la circulation. Ce pont, situé à la sortie d’un imposant carrefour de la capitale, attire traditionnellement les manifestants depuis la chute du communisme. Depuis vingt-huit jours, il a retrouvé son rôle de foyer de contestation. Des milliers de personnes s’y réunissent chaque nuit pour réclamer la démission du Premier ministre conservateur, Boïko Borissov, et du procureur général, la tenue d’élections anticipées et une réforme constitutionnelle. Mercredi, elles ont obtenu un début de victoire. Borissov a annoncé qu’il pourrait envisager de démissionner si son parti reste au pouvoir jusqu’aux élections prévues en 2021.
«La situation ne se réduit pas à une crise politique, ces protestations font état d’un malaise économique et social profond, prévient Assen Slim, maître de conférences en économie à l’Institut national des langues et civilisations orientales. Elles s’enracinent dans un ras-le-bol général de la corruption et des activités mafieuses jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.»
Les causes de la mobilisation sont larges, mais l’étincelle qui a mis le feu aux poudres remonte au 9 juillet. Deux conseillers du Président, Roumen Radev, proche du Parti socialiste bulgare (PSB) et critique de Boïko Borissov, sont inculpés pour trafic d’influence et vol de documents. Leurs bureaux sont perquisitionnés sur ordre du procureur général, notoirement proche du Premier ministre. Le Président s’indigne, dénonce le «caractère mafieux» des perquisitions opérées dans le palais présidentiel, et une tentative de nuire à l’équilibre des pouvoirs, qui laisse déjà la part belle au Premier ministre. Dès le soir du 9 juillet, une première manifestation a réuni plusieurs milliers de personnes à Sofia.
«Le sentiment que Borissov a utilisé le procureur à des fins politiques est très vif, explique Antony Todorov, professeur de science politique à la Nouvelle Université bulgare. Suffisant pour rassembler des manifestants hétérogènes aux attentes assez différentes. Il y a notamment beaucoup de jeunes qui ont fait leurs études aux Etats-Unis ou en Europe de l’Ouest et qui réclament des changements.» D’après un sondage publié le 3 août, 60 % des Bulgares soutiennent les manifestations.