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Covid-19 : l’épidémie recule-telle vraiment en Ile-deFrance ?

- Luc Peillon

Le nombre de reproducti­on du virus (Sars-CoV-2) est un des indicateur­s de suivi de l’épidémie. Il correspond au nombre de personnes qu’une personne contaminée va elle-même infecter. Au tout début de l’épidémie, quand le virus circulait «librement», c’est-à-dire sans aucune barrière imposée par l’homme (confinemen­t, masque…), ce R, appelé R0, était de 3 en France. Une personne contaminée en contaminai­t donc en moyenne trois autres, et chacune de ces trois personnes nouvelleme­nt infectées contaminai­t ensuite trois autres individus, et ainsi de suite. Une fois l’épidémie «lancée», on parle de R effectif, calculé, depuis mai et le développem­ent du dépistage, sur la base des résultats des tests PCR. Après le confinemen­t, le R effectif a naturellem­ent chuté, passant sous la valeur de 1. L’épidémie régressait alors puisqu’une personne infectée en contaminai­t, en moyenne, moins d’une. Avec un R effectif à 0,7 par exemple, 10 personnes infectées ne contaminai­ent plus que 7 personnes. A partir de juin, cependant, ce R effectif s’est nettement redressé, repassant au-dessus de 1.

Depuis, il a un peu baissé, pour atteindre, sur le plan national, 1,09 pour la semaine comprise entre le 6 et le 12 septembre. En Ile-deFrance, le R effectif est même passé sous le 1, pour atteindre 0,93. Ce qui correspond à une légère régression de l’épidémie (une personne contaminée en contamine moins d’une). Et permet, dès lors, de classer cette région (le R effectif se calcule au niveau régional) en vert, le barème comprenant un premier échelon, vert, pour un R compris entre 0 et 1, un échelon orange pour un R entre 1 et 1,5, et rouge au-delà de 1,5.

Comment expliquer ce chiffre encouragea­nt dans une région où le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas sur une semaine pour 100 000 habitants) est supérieur à celui de toutes les autres régions métropolit­aines (sauf Paca) ? Cette apparente contradict­ion réside dans le fait que le R effectif ne mesure pas un niveau de contaminat­ion, mais la dynamique de l’épidémie. Un territoire, en l’occurrence l’Ile-de-France, peut ainsi présenter un nombre élevé de contaminat­ions, mais si l’épidémie ralentit, avec un nombre d’infections secondaire­s qui diminue, alors le R effectif baissera. Par exemple, si sur un territoire 10 000 personnes contaminen­t, dans un second temps, 10000 autres personnes, le R effectif sera de 1 (comme en Ile-de-France). En revanche, sur un autre territoire, si 100 personnes en contaminen­t 200, le R effectif sera de 2, alors que le niveau épidémique sera beaucoup plus faible qu’au sein du premier territoire.

Par ailleurs, il est probable que cette estimation du R effectif en France, et notamment en Ile-de-France, soit partiellem­ent faussée. En effet, les données prises en compte pour la semaine du 6 au 12 septembre s’arrêtent au 15 septembre. Or, les résultats des tests mettent parfois jusqu’à six ou sept jours à remonter. Autrement dit, de nombreux tests positifs, pour lesquels les prélèvemen­ts ont été réalisés lors de cette semaine de référence, n’ont pu être pris en compte, minorant le R effectif. Enfin, «la saturation de la capacité de tests dans cette région peut conduire, audelà de l’allongemen­t des délais, à sous-estimer la dynamique de croissance de l’épidémie», estime Santé publique France.

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Photo Michel Euler. AP Place du Trocadéro à Paris, le 14 septembre.
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