«Fadettes» : Eric Dupond-Moretti cible trois magistrats du PNF
L’affaire des «fadettes» n’en finit pas de semer la zizanie au sommet de la magistrature. Trois jours après la remise d’un rapport de l’Inspection générale de la justice (IGJ), Eric Dupond-Moretti vient d’ordonner une enquête administrative contre trois magistrats du Parquet national financier (PNF), soupçonnés de «manquements». En cause: des investigations menées en 2014 pour tenter de débusquer une taupe au sein de l’appareil judiciaire, susceptible d’avoir prévenu Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute dans un dossier de corruption. Une dizaine d’avocats avaient alors vu leurs factures détaillées (fadettes) épluchées, dont Eric Dupond-Moretti.
Saisie début juillet, l’IGJ n’a finalement identifié aucune faute grave dans son rapport rendu public mardi, mais relevé un certain nombre d’anomalies formelles. Interrogé le jour même à l’Assemblée nationale, Eric DupondMoretti y avait vu «des dysfonctionnements», laissant le soin à ses services d’analyser les suites qui pourraient être données à ce rapport. Trois jours plus tard, il ressort de cette analyse que les faits pourraient constituer des «manquements au devoir de diligence, de rigueur professionnelle et de loyauté».
Parmi les magistrats visés par cette enquête administrative, Lovisa-Ulrika Delaunay-Weiss dénonce dans une note une «violation de la séparation des pouvoirs» d’autant plus flagrante qu’Eric Dupond-Moretti est «directement concerné par l’enquête de l’Inspection». Lorsque l’affaire était sortie, l’avocat avait dénoncé des «méthodes de barbouzes» et porté plainte pour violation de la vie privée, avant de se rétracter à son arrivée Place Vendôme. Un risque de conflit d’intérêts pointé par de nombreux acteurs du monde judiciaire. Dans un communiqué commun, le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats ont dénoncé une «atteinte inédite à l’indépendance de la justice».
Reste à savoir quand l’Inspection rendra les conclusions de son enquête administrative – pas avant deux mois, selon les spécialistes. Un calendrier que ne manqueront pas d’exploiter les avocats de Nicolas Sarkozy. Le procès de l’ancien chef de l’Etat et de son avocat doit commencer le 23 novembre.