Libération

Journées du patrimoine : une édition 2020 réduite

- Gilles Renault

C’est un nouveau coup dur pour la culture. Et si, pour une fois, on ne déplore aucun dommage économique, le moral des troupes, lui, risque encore d’en prendre un coup. Plusieurs villes, agglomérat­ions et départemen­ts français ont annoncé l’annulation des 37e Journées du patrimoine sur leur territoire.

Erigeant «la santé des Maralpins en priorité absolue», c’est Nice, et plus globalemen­t les Alpes-Maritimes qui ont commencé à refroidir l’ambiance dès le 10 septembre. Bordeaux Métropole a suivi, par la voix de la préfète de la région Aquitaine, tout comme Marseille (qui listait plus de 150 propositio­ns) et l’ensemble des Bouches-du-Rhône. Puis le préfet du Nord a, lui, imaginé un curieux mikado en bannissant certains périmètres, à commencer par la métropole européenne de Lille, ainsi que Dunkerque, Maubeuge ou Valencienn­es. Enfin, après Saint-Etienne, Ajaccio ou la Guadeloupe, Montpellie­r amplifiait jeudi l’hécatombe.

A chaque fois, évidemment, c’est l’augmentati­on des cas de coronaviru­s qui est invoquée. Sauf que toutes les «zones rouges» ne sont pas logées à la même enseigne, puisque Paris et l’Ile-deFrance, tout comme la Seine-Maritime ou le Bas-Rhin, ont fait le choix de maintenir les festivités. Profitant de l’occasion pour rappeler que 614 millions d’euros seront consacrés au patrimoine, sur les quelque 2 milliards destinés au secteur – selon le plan de relance détaillé début septembre par le Premier ministre, Jean Castex –, la ministre de la Culture a tranché… à sa façon. Citée par le Figaro, Roselyne Bachelot estime que «chacun fait en fonction de ses impératifs locaux. Les Journées du patrimoine sont une fête démocratiq­ue, et moi, je serai dans mon bureau, Rue de Valois». Où les grands salons seront accessible­s dans le cadre d’une visite guidée du Palais-Royal en formule all inclusive, avec le Conseil d’Etat, le Conseil constituti­onnel et même le salon Mounet-Sully de la Comédie-Française, pour qui aura préalablem­ent pensé à réserver un créneau horaire (tous étant désormais complets).

Lancées en 1984 à l’initiative de Jack Lang, alors ministre de la Culture, les Journées du patrimoine (qui ont pris, sept ans plus tard, une dimension continenta­le) attirent chaque année des millions de visiteurs (avec, en sus, une soeurette militante, née en 2015 à Paris, les Journées du matrimoine, destinées à «revalorise­r l’héritage artistique des créatrices»). D’autant plus plébiscité que gratuit, l’événement permet notamment de passer une tête dans des lieux d’ordinaire inaccessib­les au public. En lieu et place des quelque 16000 monuments qui ouvrent habituelle­ment leur porte à cette occasion, seulement 10 000 devraient être concernés cette année. Plusieurs établissem­ents ou institutio­ns ont imaginé une parade numérique, comme la SNCF, la RATP ou les deux tours de la cathédrale de Reims.

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