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«Ses yeux souriaient. Il avait une espèce de joie dans le regard.»

- Chloé Pilorget-Rezzouk A lire en intégralit­é sur Libé.fr.

Laurent J. employé municipal de Montrouge, à propos d’Amedy Coulibaly, au procès des attentats de janvier 2015

Son récit, tout en tension et témérité, a scotché la salle d’audience. Ce vendredi, Laurent J., employé du service propreté de la ville de Montrouge, est revenu avec force détails sur ce «mélange d’adrénaline, d’hypoglycém­ie et de haine», qui l’a poussé, dans un geste héroïque, à tenter de désarmer Amedy Coulibaly. Le 8 janvier 2015, veille de la tuerie à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, le terroriste abattait sa collègue de la police municipale, Clarissa Jean-Philippe, alors qu’elle intervenai­t sur un banal accident de la route. Ce matin-là, il est environ 8 heures quand Laurent J., appelé avec son collègue Eric pour dégager la voirie, a l’impression de sentir «quelqu’un en train de fouiller dans [sa] poche». C’est la manche de la doudoune d’Amedy Coulibaly qui le frôle. «Il a sorti une arme de guerre et a tiré immédiatem­ent. J’étais focalisé sur le bout du canon, il y avait des étincelles, type feu d’artifice, ça avait vraiment l’air factice, ce n’était pas comme dans les films.» La scène lui semble si «irréelle» que l’agent municipal agit sans réfléchir : «Avec la main droite, j’ai tapé sur le canon de l’arme, je lui ai dit : “T’es con ou quoi, avec ce qui s’est passé hier, tu fais des blagues comme ça ?!”»

Mais Laurent J. aperçoit alors son collègue atteint au visage. «J’ai eu une montée de haine. Eric, c’était mon binôme, on s’entendait super bien.» Il explique alors être «devenu fou» : il agrippe la kalachniko­v d’Amedy Coulibaly, engage un corps à corps. Coulibaly le menace : «Tu veux jouer, tu vas crever.» Le terroriste plonge alors la main dans la poche de sa doudoune. «J’ai compris direct. Il a sorti un pistolet automatiqu­e, du coup j’ai attrapé la base de sa manche.» Face à la ténacité de son adversaire, Coulibaly frappe Laurent J. à la tête. Le voilà les deux mains à terre. «Je l’ai regardé dans les yeux. Je m’attendais à ce qu’il me finisse. […] Ses yeux souriaient. Il avait une espèce de joie dans le regard.» Mais le terroriste «a rangé ses trucs et il est parti». En réalité, l’employé municipal apprendra bien plus tard, au cours de l’instructio­n, que l’arme s’est enrayée.

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