Petit Prince
Un premier album d’un flamboyant psychédélisme futuriste qui conjugue les extravagances de Katerine et la science mélodique de Polnareff.
Victimes collatérales du Covid-19, de nombreux artistes ont dû déplacer la sortie de leurs albums du printemps radieux vers l’automne pluvieux. Si les risques sont minimes pour les gros, toujours bien exposés, ce n’est pas la même affaire pour les jeunes pousses, qui se retrouvent coincées bien malgré elles dans les embouteillages de la rentrée. Seuls des talents hors normes arriveront à dompter le flot impétueux. A ce niveau-là, on mettrait bien une grosse pièce sur le premier album d’Elliot Diener alias Petit Prince, par ailleurs cofondateur du label Pain Surprises, où figure une belle brochette azimutée, de Jacques à Miel de Montagne en passant par Salut c’est cool. Parfaitement à l’aise au milieu de cette écurie lumineuse et indépendante dont il a contribué à façonner l’identité sonore (il est ingénieur du son de formation), ce quasitrentenaire avait commencé à nous convaincre il y a presque deux ans avec son EP ludique et poétique Je vous embrasse.
Il pousse son talent pop déluré, mais aussi mélancolique, encore plus loin sur ce sensationnel les Plus Beaux Matins. Que l’on symbolisera par son éblouissante trilogie finale : Maman 67, Tombe dans mes bras, les Plus Beaux Matins. Une salve étourdissante jonglant avec pudeur et délicatesse sur les sentiments de l’intime, illuminée musicalement par des guitares en feu (Diener est un surdoué de l’instrument) et des arrangements électroniques aux petits oignons, nappant dans un flamboyant psychédélisme futuriste des compositions au souffle profond.
D’une (fausse) apparente légèreté, cette chanson à tiroirs, où Petit Prince dessine d’un seul trait les moutons de ses rêves, reconstruit les bases d’une nouvelle pop à la française, en conjuguant les extravagances littéraires loufoques d’un Katerine et la science mélodique du Polnareff de la grande époque. Chanteur délicat, mais sûrement pas transparent, grimpant dans les aigus comme pour mieux nous pincer le coeur, Elliot Diener peut aussi à l’occasion devenir aphone en s’épanouissant dans un délire instrumental de grande classe (Conte breton). Qu’importent les embrouilles du Covid, ce nouveau Prince mérite largement sa couronne.