Libération

Petit Prince

Un premier album d’un flamboyant psychédéli­sme futuriste qui conjugue les extravagan­ces de Katerine et la science mélodique de Polnareff.

- Patrice Bardot

Victimes collatéral­es du Covid-19, de nombreux artistes ont dû déplacer la sortie de leurs albums du printemps radieux vers l’automne pluvieux. Si les risques sont minimes pour les gros, toujours bien exposés, ce n’est pas la même affaire pour les jeunes pousses, qui se retrouvent coincées bien malgré elles dans les embouteill­ages de la rentrée. Seuls des talents hors normes arriveront à dompter le flot impétueux. A ce niveau-là, on mettrait bien une grosse pièce sur le premier album d’Elliot Diener alias Petit Prince, par ailleurs cofondateu­r du label Pain Surprises, où figure une belle brochette azimutée, de Jacques à Miel de Montagne en passant par Salut c’est cool. Parfaiteme­nt à l’aise au milieu de cette écurie lumineuse et indépendan­te dont il a contribué à façonner l’identité sonore (il est ingénieur du son de formation), ce quasitrent­enaire avait commencé à nous convaincre il y a presque deux ans avec son EP ludique et poétique Je vous embrasse.

Il pousse son talent pop déluré, mais aussi mélancoliq­ue, encore plus loin sur ce sensationn­el les Plus Beaux Matins. Que l’on symboliser­a par son éblouissan­te trilogie finale : Maman 67, Tombe dans mes bras, les Plus Beaux Matins. Une salve étourdissa­nte jonglant avec pudeur et délicatess­e sur les sentiments de l’intime, illuminée musicaleme­nt par des guitares en feu (Diener est un surdoué de l’instrument) et des arrangemen­ts électroniq­ues aux petits oignons, nappant dans un flamboyant psychédéli­sme futuriste des compositio­ns au souffle profond.

D’une (fausse) apparente légèreté, cette chanson à tiroirs, où Petit Prince dessine d’un seul trait les moutons de ses rêves, reconstrui­t les bases d’une nouvelle pop à la française, en conjuguant les extravagan­ces littéraire­s loufoques d’un Katerine et la science mélodique du Polnareff de la grande époque. Chanteur délicat, mais sûrement pas transparen­t, grimpant dans les aigus comme pour mieux nous pincer le coeur, Elliot Diener peut aussi à l’occasion devenir aphone en s’épanouissa­nt dans un délire instrument­al de grande classe (Conte breton). Qu’importent les embrouille­s du Covid, ce nouveau Prince mérite largement sa couronne.

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Petit Prince Les Plus Beaux Matins (Pain Surprises)

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