Candidats écolos, tous ego ?
EE-LV désignera son prétendant à l’Elysée dans une primaire au second semestre 2021. Un exercice qui ne leur réussit jamais.
Trois candidats sur une même ligne. Sur le fond, l’offre politique qu’incarnent Yannick Jadot, Eric Piolle et Sandrine Rousseau présente peu de contraste. «A part sur des détails, tout le monde est d’accord», affirme Sandra Regol, la secrétaire nationale adjointe d’EE-LV. Interrogé fin septembre, Eric Piolle admettait : «Yannick et moi, on a les mêmes combats, après, c’est une question de stratégie.»
A l’époque, le maire de Grenoble espérait encore un arc de rassemblement allant des socialistes aux insoumis, avec un écolo à sa tête. Jadot, lui, n’a jamais cru à une aventure présidentielle avec JeanLuc Mélenchon. Trop de désaccords. Dans l’entourage de l’eurodéputé, on espère «qu’une solution optimale s’imposera à tous les gens raisonnables». Comprendre : que les socialistes, face à une candidature de l’eurodéputé qui s’installerait progressivement, l’air de rien, n’aient plus d’autre choix que de le soutenir. Sandrine Rousseau, elle, évacue la question en expliquant que «la victoire de l’écologie passe par une sorte de révolution culturelle, pas une alliance de partis».
«Clivante».
A cette divergence stratégique s’ajoute une différence de forme. Piolle assume une forme de radicalité dans le discours. Après les polémiques vertes sur le sapin de Noël (lire aussi page 14) ou le Tour de France, il a pris le parti des maires mis en cause, qui ont mis dans le débat des sujets moins anecdotiques qu’il n’y paraît. «L’écologie est clivante car elle oblige à trancher les contradictions collectives et individuelles», affirmait-il. Rousseau ne dit pas autre chose : «Tout le monde a crié au loup quand Pierre Hurmic [le maire de Bordeaux, ndlr] a dit qu’il n’y aurait pas de sapin, mais est ce qu’on s’est demandé d’où il venait ? Combien de kilomètres il avait parcourus ? S’il n’y avait pas d’autres symboles de Noël plus écolos ? La force de l’écologie, c’est poser des questions que personne ne pose.» Jadot, de son côté, juge qu’il s’agit d’erreurs de communication.
L’eurodéputé a peur que les écolos fassent peur. D’où un discours plus consensuel. «Il y a seulement des microdifférences de positionnement car notre corpus fait consensus. On n’est pas dans l’opposition Valls, Hamon, Montebourg», défend Regol. A moins d’un an de leur primaire, qui devrait avoir lieu après les régionales, les écolos insistent donc sur leur harmonie comme pour chasser les mauvais souvenirs. Ces désignations présidentielles, dans un parti qui se méfie des têtes qui dépassent, ont souvent été fratricides. «Comme dans toutes les structures où il y a des ambitions pour le pouvoir. Ce n’est pas réservé aux écolos, relativise Yves Cochet, candidat malheureux à la primaire de 2006 contre Dominique Voynet. C’est simplement qu’on est plus transparents.» La démarche solitaire de Jadot qui, parti en campagne, trace sa route de son côté, suscite déjà des crispations.
Et pour l’instant, personne ne se dégage pour incarner le fameux projet qui met tout le monde d’accord. Ni Jadot ni Piolle n’ont encore réussi à susciter de dynamique militante dans un parti où le collectif fait office de religion. «Les deux ont un bilan, ils sont fiables, mais on n’est pas du tout dans une configuration à la Hulot-Joly, qui avaient vraiment des fans de chaque côté», affirme Regol. Une question de contexte selon elle, les têtes étant en plein dans la crise sanitaire.
«Se rassurer».
Mais dans les sondages, ils restent loin de leurs concurrents de gauche. Selon une enquête Elabe publiée le 12 novembre, 11 % des Français estiment que Jadot est le mieux placé à gauche, derrière Jean-Luc Mélenchon (21 %), Anne Hidalgo (17 %), Ségolène Royal (13 %), Benoît Hamon et Arnaud Montebourg (12 %). Piolle, lui, est bien plus loin, à 2 % seulement. David Cormand, l’ex-secrétaire national des Verts, analyse : «Les têtes d’affiche de EE-LV ont du mal à avoir une image positive comme celle du parti, ça veut dire qu’on vote avant tout pour nos idées.» Les écolos, qui pensent depuis toujours que c’est leur force, n’en rougissent pas. Et pour se rassurer, ils répètent que les maires élus en juin n’étaient pas des personnalités politiques très identifiées. Ils savent bien que pour la présidentielle, ils n’échapperont pas à l’incarnation mais espèrent, comme l’explique Cormand, que «la joute va se jouer sur les récits politiques».