Magouille
Toute ressemblance avec des personnages ayant existé n’est… pas fortuite. La tentation est forte de sourire et d’imaginer Kad Merad adapter son rôle dans la série télévisée Baron noir au personnage de Jean-Michel Blanquer. Dans un épisode, l’acteur, hiérarque socialiste du Nord, joue au grand frère qui chaperonne un responsable étudiant, lui explique comment tenir une AG, entraîner l’adhésion, tirer les ficelles d’un vote. Il lui explique la vie… politique. Un rôle inspiré de situations réelles, Julien Dray ayant dans les années 90 joué ce rôle auprès de l’Unef-ID. Cette histoire, le scénariste de la série, Eric Benzekri, la connaît par coeur, puisqu’il militait à l’époque dans le syndicat étudiant. Blanquer, comme le révèle notre enquête, postule donc au même rôle, avec cette fois l’instrumentalisation d’un syndicat lycéen, monté de toutes pièces pour être à sa main. Si le parallélisme est tentant, il existe des différences. Dray était un cadre militant d’un parti politique. Blanquer exerce, lui, des fonctions ministérielles. Bien sûr, il n’apparaît pas en première ligne dans cette tambouille. Mais on a peine à croire qu’il pouvait ignorer les manoeuvres du directeur de la Direction générale de l’enseignement scolaire. Sorte de bras droit du ministre, ce haut fonctionnaire est mis en cause pour avoir piloté une opération de manipulation de lycéens. Des recteurs auraient aussi trempé dans la magouille. Autrement dit, c’est l’appareil d’Etat, Rue de Grenelle ou dans les administrations déconcentrées, qui a été mis au service d’une instrumentalisation partisane. Le ministre a refusé de s’en expliquer auprès de Libération. Dommage. Outre ce mélange d’un mauvais genre, notre enquête souligne deux autres choses. D’abord, ce vide sidéral en termes de relais d’opinion dont disposent Emmanuel Macron, la majorité et LREM pour soutenir leur politique. Elle confirme ensuite un défaut persistant de la macronie : l’amateurisme. •