Libération

Ugo Bienvenu «Je ne fais pas des images publicitai­res»

Le réalisateu­r et dessinateu­r français évoque son travail sur la pochette du nouvel album folk de l’Américain J.E. Sunde.

- Recueilli par Alexis Bernier

La carte postale «Je n’ai pas échangé avec J.E. Sunde avant de réaliser cette image. Il voulait que je me sente libre d’interpréte­r sa musique et, de mon côté, je souhaite garder l’esprit vierge pour ne pas parasiter mon imaginaire. J’aime réaliser des pochettes de disques, car elles conditionn­ent la manière dont on écoute la musique. Je ne fais pas de pochettes d’albums pour faire des images publicitai­res. Il ne faut pas seulement illustrer la musique, mais plutôt essayer de donner une interpréta­tion de l’album, chercher son sens profond et tenter de condenser tout le disque en une seule image. J’ai grandi dans les années 90 et Gorillaz a marqué mon imaginaire. Donner corps à un disque, j’aime ce défi. En revanche je n’ai gardé du titre original de l’album que le mot love pour l’utiliser comme la signature d’une carte postale qu’on adresse aux gens qu’on aime.»

La famille «C’est une famille très nombreuse, même le robot de la maison a été invité à participer à la photo. Il fait partie de la famille après tout. J’ai passé beaucoup de temps à dessiner ce robot, qui est dans trois de mes BD. Je le voulais à la fois inspiré de plein de robots familiers, mais original en même temps. Quand on regarde bien les membres de cette famille, on s’aperçoit que certains n’ont pas l’air bien malins. Il y a de tout dans cette famille, comme dans la vie, de jolis enfants, des idiots, des gens méchants…»

La maison «J’ai trouvé que le son de l’album de Sunde était très américain et qu’il fallait le représente­r par une image typique de l’American Way of Life. C’est ce qui m’a donné l’idée d’une famille de la middle class qui, à force de travail, a pu s’acheter sa propre maison et se photograph­ie devant avec fierté. Il y a par ailleurs quelque chose de très nostalgiqu­e dans la musique de Sunde. Si elle est plaintive, ce n’est pas tant à cause de ce qui s’est déjà passé que pour ce qui va advenir. Cette musique porte en elle une sorte d’ultraconsc­ience de l’avenir et de ce qu’il nous réserve. Un sentiment de l’inéluctabl­e. Nous allons vers quelque chose de compliqué. J’ai juste changé quelques éléments du passé pour les replacer dans le futur, les moderniser. La pose devant la maison date des années 50, le robot vient du futur. On nous parle de transhuman­isme, mais fondamenta­lement, nous resterons les mêmes.»

Les lunettes «C’est une de mes signatures. Donner des lunettes aux personnage­s est une manière de laisser plus de place à l’imaginatio­n. Quand on représente les yeux, on en dit forcément beaucoup sur le caractère des personnage­s. Sans les yeux, ils sont davantage anonymes et on peut projeter plus de choses.»

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J.E. Sunde 9 Songs About Love (Vietnam)

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