Libération

Cinq recettes qui tombent à pic

Parce qu’il n’y a pas que la fondue et la raclette dans la vie, «Libé» vous donne des idées piochées au gré des massifs français.

- Par Jacky Durand

Comme si le reconfinem­ent ne suffisait pas, voilà que la pénurie de raclette menace, les Français se réconforta­nt à outrance avec ce plat synonyme de sports d’hiver, de grand air, de poudreuse et de conviviali­té autour du fromage coulant et de la charcutail­le. La recette, dit-on, remonte au Moyen Age quand des bergers faisaient fondre du fromage au feu de bois dans les alpages. L’image est aussi belle que réductrice, car les nourriture­s de montagne sont beaucoup plus qu’une fondue jurassienn­e ou une raclette savoyarde, si délectable­s soient-elles. Certes, depuis des temps immémoriau­x, les massifs alpins sont terres d’élevage et de transforma­tion du lait, offrant une magnifique palette de munster, beaufort et autres tommes. Ce qui fait leur succès gastronomi­que mais occulte aussi en partie la multiplici­té des goûts en altitude.

Des Hautes Vosges aux Pyrénées en passant par les Alpes et le Massif central, la montagne française est un très riche florilège de terroirs qui, parfois, ne tiennent qu’à un plateau, un fond de vallée, un mont où le sol, l’air, le soleil, le savoir-faire des femmes et des hommes offrent des nourriture­s aussi culturelle­s que gastronomi­ques.

C’est ainsi que la montagne est également terre de vins, de fruits et de légumes, de viandes, de poissons. Longtemps l’homme n’a eu que ses bras et ses jambes pour la travailler, affrontant les rigueurs du climat, la dureté du relief et l’isolement des vallons du bout du monde. Il s’est aussi nourri de toute la naturalité de la montagne à travers ses plantes sauvages, célébrées depuis un demi-siècle par le chef savoyard Marc Veyrat. Pour toutes ces raisons, la montagne française est, plus que jamais, un formidable garde-manger patrimonia­l à cultiver et à préserver. La preuve en cinq spécialité­s.

1 Pyrénées: le haricot tarbais

Rien ne vaut une bonne garbure, soupe à boire et à manger, pour adopter le haricot tarbais. Voici la recette de Nicolas Aubiban du restaurant la Grange à SaintLary, dans les Hautes-Pyrénées. Pour huit à dix personnes (réduisez les ingrédient­s si vous êtes moins), il vous faut : 400 g de haricots tarbais secs, 6 à 8 pommes de terre, 5 navets, 8 carottes, 1 à 2 gros oignons, 3 beaux poireaux, 8 à 10 cm de céleri-branche, 1 chou vert frisé, 1 jarret de porc, 1 talon de jambon de pays avec os, 250 g de poitrine de porc salée (dans la région, on choisit la viande de porc noir de Bigorre). Pour une garbure royale, il faudra ajouter à votre soupe avant de la servir du confit de canard (un morceau par personne).

Mettez les haricots tarbais à tremper toute une nuit. Le jour même, commencez la préparatio­n de votre recette par la cuisson du talon de jambon de pays et du jarret. Assaisonne­zles avec des grains de poivre, les oignons piqués de clous de girofle (environ 4 par oignon), le céleri-branche découpé en petits morceaux de 1 à 2 cm, 3 à 4 branches de thym et 2 à 3 feuilles de laurier. Déposez le tout dans un grand faitout. Venez recouvrir ces ingrédient­s de 4 litres d’eau un peu salée. Lorsque l’eau commence à bouillir, baissez le feu et laisser cuire pendant environ une heure et demie. Pendant ce temps-là, coupez vos légumes (sauf le chou vert frisé et les pommes de terre) en dés, assez grossièrem­ent, et faites-les suer dans 2 à 3 cuillères à soupe de graisse d’oie. Après une heure et demie de cuisson, retirez le talon et le jarret du faitout et réservez quelques cuillères d’eau de cuisson. Rajoutez dans le faitout les légumes revenus. A ce moment-là, il est temps d’égoutter les haricots tarbais et de les ajouter aux autres légumes. Faites cuire le tout pendant deux heures puis ajoutez le chou coupé en lanières dans le bouillon bien chaud. Recouvrez votre fai

tout afin que les feuilles de chou rajoutées restent bien vertes (cuire environ une demiheure). Ajoutez ensuite vos pommes de terre coupées en gros morceaux et laissez mijoter à nouveau une demi-heure. Enfin, rajoutez les petits dés de poitrine et laissez cuire encore une petite demi-heure. A présent, votre garbure est prête à être servie.

Si vous optez pour une préparatio­n de garbure royale, c’est à ce moment-là qu’il faut s’occuper de votre confit de canard. Faites-le rôtir au four et ajoutez-le dans l’assiette ou dans le faitout à la dernière minute, afin que le croustilla­nt du confit se maintienne, et servez immédiatem­ent.

2 Massif central : les lentilles du Puy

Avec la recette du restaurant Tournayre au Puy-en-Velay (Haute-Loire), la lentille verte du Puy devient une savoureuse crème. Pour quatre personnes, il vous faut 300 g de lentilles vertes du Puy, 3 carottes, 3 échalotes, 3 gousses d’ail, 100 g de beurre, 25 cl de crème fraîche, du sel et du poivre. Faites revenir au beurre les carottes, les échalotes et les gousses d’ail épluchées et émincées. Ajoutez les lentilles et quatre fois leur volume d’eau avec du sel et du poivre. Laissez cuire 60 minutes à petit bouillon. Mixez le tout, ajoutez la crème fraîche. Rectifiez l’assaisonne­ment, servez très chaud.

3 Alpes : les crozets

On en pince pour ces petites pâtes savoyardes que sont les crozets et qui font, par exemple, le bonheur des soirées d’hiver en gratin avec les diots, autre spécialité charcutièr­e locale. Pour quatre personnes, il vous faut 1 bouillon cube de boeuf, 375 g de crozets, 250 g de beaufort, 20 cl de crème, 3 poireaux, 4 diots fumés, du sel et du poivre. Faites bouillir de l’eau avec le bouillon cube. Versez-y les crozets et faites-les cuire quinze minutes. Egouttez. Pendant la cuisson des crozets, râpez le beaufort, émincez les poireaux et faites-les revenir dans une poêle. Préchauffe­z votre four à 200°C. Versez les crozets dans un plat beurré allant au four. Ajoutez le beaufort râpé et réservez une petite poignée pour faire gratiner. Ensuite, incorporez la crème fraîche, les poireaux et les diots coupés en rondelles. Salez et poivrez puis mélangez. Parsemez le beaufort restant sur le dessus du gratin. Enfournez pendant vingt minutes. Servez chaud.

4 Arc jurassien : le morbier

Fromage au lait cru de vache de la famille des pâtes pressées non cuites, le morbier est une appellatio­n d’origine protégée (AOP) depuis 2002. Moins starisé que le comté, il fait pourtant des bonheurs en cuisine, comme dans cette recette de gnocchis au potimarron et au morbier. Pour quatre personnes, il vous faut 100 g de morbier, 1 potimarron, 300 g de farine, 1 oeuf, de l’huile d’olive, du sel et du poivre. Préparez la purée de potimarron : préchauffe­z votre four à 200 °C. Coupez en quartiers et épépinez le potimarron. Disposez les quartiers sur une plaque de four recouverte de papier sulfurisé, la chair tournée vers le haut. Versez un filet d’huile d’olive. Enfournez pour vingtcinq minutes. A la sortie de four, laissez tiédir puis réduisez en purée. Préparez la pâte à gnocchis : râpez le morbier, en en gardant un peu pour le dressage final. Dans un cul-depoule ou un saladier, incorporez la farine, l’oeuf et le morbier râpé à la purée de potimarron. Salez et poivrez. Vous devez obtenir une boule de pâte ferme. Faites les gnocchis : divisez la pâte en six parts égales. Roulez chaque boule en un long boudin d’environ 2 cm de diamètre. Sectionnez des portions de 2 à 3 cm. Pour leur donner belle allure, roulez chaque gnocchi sur les dents d’une fourchette. Plongez-les dans une grande casserole d’eau bouillante salée et retirez-les dès qu’ils remontent à la surface. Egouttez-les soigneusem­ent.

Pour un rendu plus gourmand : faites dorer rapidement les gnocchis dans une poêle bien chaude préalablem­ent huilée ou avec une noix de beurre, selon vos goûts. Dressez les gnocchis bien chauds dans chaque assiette avec encore un peu de morbier râpé.

5 Vosges : les tofailles ou roïgebrage­ldi

En cuisine comme en géographie, tout est une question de point de vue. Entre Colmar et Remiremont, nos papilles balancent de part et d’autre de la ligne gourmande des Vosges autour d’une recette au long cours de patates mijotées en cocotte, appelées tofailles côté vosgien et roïgebrage­ldi, côté alsacien. Pour quatre personnes, il vous faut 1,5 kg de pommes de terre, 300 g de lard fumé coupé en fines lamelles, 150 g de beurre, 2 gros oignons, du sel et du poivre, 20 cl de vin blanc. Préchauffe­z votre four à 200 °C. Epluchez les pommes de terre et coupez-les en rondelles. Epluchez et émincez les oignons. Garnissez le fond d’une cocotte des fines lamelles de lard et ajoutez de petits morceaux de beurre. Puis alternez une couche de pommes de terre, une couche d’oignons, des lamelles de lard, un peu de beurre, poivrez et salez légèrement entre les couches. Terminez par une couche de lard et le reste du beurre. Mouillez avec le vin blanc. Enfournez pour au moins deux heures. Otez le couvercle un peu avant la fin de la cuisson pour faire dorer les pommes de terre à la surface. •

Longtemps, l'homme s’est aussi nourri de toute la naturalité de la montagne à travers ses plantes sauvages, célébrées depuis un demi-siècle par le chef savoyard Marc Veyrat.

 ??  ??
 ?? Muriot.
Photo cuisine ?? La montagne recèle un florilège de saveurs. Photo Getty Images
1. Haricots tarbais. Riou. Photocuisi­ne
2. Lentilles du Puy. Ramen. Photocuisi­ne
3. Crozets de Savoie. Leser. Photocuisi­ne
4. Morbier. Lukam. Photocuisi­ne
5. Tofaille (côté vosgien) ou roïgebrage­ldi (côté alsacien).
Muriot. Photo cuisine La montagne recèle un florilège de saveurs. Photo Getty Images 1. Haricots tarbais. Riou. Photocuisi­ne 2. Lentilles du Puy. Ramen. Photocuisi­ne 3. Crozets de Savoie. Leser. Photocuisi­ne 4. Morbier. Lukam. Photocuisi­ne 5. Tofaille (côté vosgien) ou roïgebrage­ldi (côté alsacien).
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France