Libération

«Bravo Papa !» Une vie passée à en sauver

Pascal Sancho relate en détail son quotidien de guide-secouriste, ses victoires et ses souffrance­s.

- D.A.

Trente ans de secourisme en montagne ! A grimper des parois, aligner des marches d’approche, atteindre par tous les temps des endroits inaccessib­les pour sauver une vie. Et risquer parfois, souvent, la sienne. Pascal Sancho, guide de haute montagne dans les unités CRS de la police nationale, raconte tout cela avec une précision qui fait la force de son récit. Il n’a jamais rien noté de ses interventi­ons, mais, une fois à la retraite, il s’est parfaiteme­nt souvenu de tout, dans les moindres détails. Les adolescent­s coincés lors d’une randonnée, les accidents d’hélicoptèr­e qui emportent ses copains secouriste­s, l’enquête après la mort d’un alpiniste…

Le quotidien de Pascal Sancho est une succession d’histoires vertigineu­ses dans lesquelles, même si on remporte parfois des victoires, c’est toujours, à la fin, la montagne qui gagne. Le guide-secouriste se devait d’effectuer ce «devoir de mémoire» ne serait-ce que pour «encourager ceux qui continuent la mission» et aussi, confie-t-il, pour «l’aspect exutoire» de «tout ce qu’on vit» et de tous ceux qui y laissent leur vie en voulant préserver celle des autres. Depuis 1958, soixante secouriste­s, dont six de ses amis proches, ont ainsi payé le prix fort.

Mais ce qu’aborde Pascal Sancho, c’est aussi cette qualité propre au secouriste : savoir se débarrasse­r de ses peurs et de ses affects lors des interventi­ons. «Dès qu’on est impliqué affectivem­ent, dit-il, cette froideur qui fait que tu es bon, tu la perds. Tu perds tes compétence­s et donc tes moyens.» Cela peut arriver notamment lorsque des enfants sont impliqués. Il raconte : «L’enfant, quand il lui arrive un accident, il y a un côté injuste. Nous, secouriste­s, avons alors une pression supplément­aire, le ressenti est plus sensible.» Un jour, il intervient dans un canyon où sont bloqués des adolescent­s, l’un d’eux ressemble terribleme­nt à son fils et, à son insu ou non, il le gardera à ses côtés durant toute l’interventi­on. A l’heure de la retraite, un sentiment de vide ? «Inconsciem­ment ou consciemme­nt, cela te manque, c’est plus qu’une partie de ta vie. Quand je vois l’hélico passer, je lève le nez mais j’ai moins le frisson. La souffrance et la blessure, tu ne les regrettes pas.»

Le guide a le sentiment que sa carrière s’est déroulée «très vite», malgré un parcours où il a franchi toutes les étapes, du groupe opérationn­el jusqu’au commandeme­nt. «Le secours, c’est la notion d’équipe, rappelle-t-il utilement. A plusieurs, on est plus fort. Même dans les passages à vide, tu peux trouver un sens. Tu serres les dents, tu avances.» Cette profession-là rassemble des athlètes de haut niveau qui n’en font pas une gloire, mais où le courage s’inscrit dans chaque interventi­on. «C’est un métier où tu as beaucoup de chance si tu arrives au bout et en bon état», conclut Pascal Sancho.

 ??  ?? Pascal Sancho Bravo Papa ! 30 ans comme secouriste en montagne Mareuil Editions,
330 pp., 20 €.
Pascal Sancho Bravo Papa ! 30 ans comme secouriste en montagne Mareuil Editions, 330 pp., 20 €.

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