Hidalgo tacle les Verts… et embarrasse le PS
Le premier secrétaire socialiste, Olivier Faure, qui présente ce mardi la feuille de route de son parti pour l’élection présidentielle, promet un big-bang. Une gageure alors que les écologistes ont calé leur propre primaire et que la maire de Paris crée l
Ala fin du siècle dernier, en 1998 plus précisément, la France était dirigée par la droite et la gauche –Jacques Chirac à l’Elysée et Lionel Jospin à Matignon– et elle devenait championne du monde de football pour la première fois. Cette période a une autre particularité: c’était l’âge d’or du rap français. Les radios passaient en boucle les sons d’une jeunesse qui raconte son quotidien. Quel est le rapport avec la politique d’aujourd’hui? Un morceau de cette époque, Un monde parfait, du groupe Arsenik, nous rappelle le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, qui rame du matin à la nuit pour rapprocher les gauches à l’approche de la présidentielle. Le refrain du morceau : «La route est dure, elle est sinueuse, la route est pleine d’embûches/Elle n’est pas sûre, elle est tortueuse, alors des fois je trébuche/Mais vaille que vaille, je vais de l’avant…»
Secousses
Mardi : nouvel épisode. Le Parti socialiste se retrouve (en visioconférence) pour un conseil national. En fin d’après-midi, le premier secrétaire proposera la feuille de route de sa famille pour les échéances à venir, notamment la présidentielle. Olivier Faure nous fait une promesse : «L’année 2021 sera un grand big-bang de la gauche.» Le socialiste souhaite que les forces se mélangent. C’est beau. Mais comment ?
Les insoumis sont déjà en campagne, les communistes préparent une candidature, les écolos ont annoncé que leur primaire se déroulerait en septembre. On a du mal à le voir, ce
«grand big-bang»… Encore moins lorsqu’on jette un oeil du côté de l’actualité. Samedi, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a attaqué ses alliés
sur le terrain de la République (lire ci-contre) : «Il faut pousser les écologistes à sortir de l’ambiguïté.»
Des mots qui créent des secousses. Une tension. Le premier secrétaire socialiste se gratte à la tête : «J’ai entendu son interview et je vais bientôt dire ce que je pense de sa sortie. Mais je ne compte pas le faire au milieu d’un article.» Olivier Faure est à la recherche des bons mots : il est beaucoup plus bavard pour commenter les secousses des autres. D’autres s’embarrassent beaucoup moins. Le secrétaire national d’EE-LV, par exemple, ne se gratte pas du tout la tête. Julien Bayou dit : «L’accusation de la maire de Paris est grave et ce n’est pas la première fois qu’un socialiste nous attaque sur ce terrain. S’ils estiment que nous ne sommes pas des républicains, pourquoi veulent-ils construire des majorités avec nous ?» La réponse est simple: les socialistes ne sont plus les maîtres du jeu à gauche. Terminé l’hégémonie. Olivier Faure le sait.
«Jungle»
Du coup, il invite les sentiments en prenant son air le plus sérieux: «Nous vivons actuellement des chocs qui se cumulent sur toutes les questions. Tout devrait nous inciter à nous mettre à la hauteur du moment exceptionnel, mais non. Chacun avance en solitaire dans son couloir. Je n’ai pas vocation à croquer les mollets du pouvoir en place mais à devenir majoritaire dans le pays.» Le député de Seine-et-Marne conclut : «L’intérêt général, c’est ce qui m’anime, j’y pense quand je me lève tous les matins.» Le député européen Raphaël Glucksmann, lui, au réveil, il répète le mot «gauche» pour se «convaincre que ça existe encore». Chacun son truc.
On imagine un scénario : les socialistes et les écologistes arrivent (après de grandes discussions et des accusations) à se mettre d’accord pour la présidentielle. Comment ils désignent le candidat? Julien Bayou refuse d’imaginer. Il tient à sa primaire de septembre entre les écologistes. «Le vainqueur ira discuter avec les forces de gauche pour créer un rassemblement plus large.» En gros, tout le monde derrière le candidat vert. Olivier Faure lève les yeux au ciel. «Ce n’est pas sérieux, estime-t-il. Nous devons d’abord construire un projet commun, et ensuite on trouvera la meilleure des manières pour désigner le candidat.» C’est ce qu’il proposera mardi. Un ouvrage compliqué : le premier des socialistes doit donc gérer les crises avec les écologistes et garder des bonnes relations avec les communistes afin de préserver une chance de rassemblement. Mais Olivier Faure, majoritaire dans son parti, tente aussi de garder sa maison en bon ordre. Pas toujours facile. Les éléphants bougent toujours. Et refusent d’imaginer un socialiste derrière un écologiste à la présidentielle. Du coup, ils tentent des aventures. L’ancien premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis a mis au monde un petit mouvement qui se prénomme Nouvelle Société; l’ancien président de la République François Hollande rêve de construire un nouveau grand parti social-démocrate; l’ancien directeur de la rédaction de Libé Laurent Joffrin tente de se faire entendre avec son petit mouvement Les Engagé·e·s. Des petites comètes qui font du bruit dans les médias.
Celui qui a les clés du parti relativise : «Je vis avec des éléphants, des girafes, des lions, des tigres… Dans la jungle il y a plein d’animaux, ils ne sont pas tous là pour aider, mais je fais avec.» La douceur ne fonctionne pas toujours pour convaincre. Résultat : Olivier Faure tente aussi le registre de la colère. Ça donne : «C’est absurde, nous allons dans le mur, nous ne pouvons pas continuer comme ça, il faut de la rationalité, nous devons être rationnels bordel !»
Au début du siècle, en 2006 plus précisément, la France échouait en finale de la Coupe du monde de football, Jacques Chirac était toujours à l’Elysée, Lionel Jospin à la retraite et le rap français cherchait à se réinventer. Dans son album Ouest Side, le rappeur Booba commençait son morceau Boulbi comme ça : «Bordel, quand on rentre sur la piste…» On ne trouve pas mieux pour décrire la gauche qui s’organise à quelques mois de la présidentielle. •
«L’intérêt général,
c’est ce qui m’anime, j’y pense quand je me lève tous les matins.»
Olivier Faure Premiere secrétaire du PS
24 Novembre 2020