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CECI N’EST PAS UN DÉCONFINEM­ENT

Commerces, circulatio­n, restaurant­s… Emmanuel Macron détaillera ce mardi soir, à 20 heures, les étapes prévues pour assouplir les restrictio­ns dues à l’épidémie de Covid-19. Et notamment la réouvertur­e des magasins.

- Par Lilian Alemagna

C’est un des rares aveux d’échec de l’exécutif dans sa gestion de l’épidémie de Covid-19. Devant les députés, Jean Castex a admis, la semaine dernière, que «peut-être, effectivem­ent», le gouverneme­nt avait «déconfiné un peu trop» à l’issue de la première vague. Venant de l’ex- «monsieur déconfinem­ent» choisi pour cela par Edouard Philippe en mai avant d’être appelé à Matignon, la phrase pèse un certain poids.

Ce mardi soir depuis l’Elysée, Emmanuel Macron devrait donc bannir le mot de «déconfinem­ent» de sa nouvelle allocution, comme il a disparu depuis quelques jours de la bouche des dirigeants de la majorité. L’expression consacrée par l’Elysée est celle d’un «confinemen­t allégé». D’un desserreme­nt progressif des contrainte­s reposées fin octobre pour endiguer la nouvelle flambée épidémique qui a touché toute l’Europe. Accusé par les opposition­s de ne pas avoir su «anticiper» et éviter aux Français un «nouveau confinemen­t», certes plus léger mais qui frappe durement l’économie, l’exécutif ne veut pas soulever trop rapidement le couvercle et relancer les contaminat­ions alors que les indicateur­s repassent peu à peu au vert.

Secteur sinistré

Jean Castex et le porte-parole du gouverneme­nt, Gabriel Attal, ont déjà bien balisé la parole présidenti­elle. «Les assoupliss­ements du confinemen­t se feront en trois temps», a déjà confirmé le second dans le Journal du dimanche. Lors d’un déplacemen­t samedi à Dijon, le Premier ministre a, lui, confirmé une ouverture de tous les commerces «autour du 1er décembre». A Macron d’annoncer la bonne nouvelle de la date précise : une levée des restrictio­ns dès samedi laisserait ainsi aux commerçant­s quatre week-ends de vente avant Noël. Pas du luxe pour un secteur sinistré à l’approche des fêtes. Par ailleurs, c’est aussi en décembre que les plus jeunes pourront reprendre leurs activités sportives.

Mais comme l’avait laissé entendre Castex en conférence de presse il y a deux semaines, les restrictio­ns de circulatio­n ne devraient, elles, pas être levées avant la mi-décembre. «Le confinemen­t va se poursuivre et donc la limitation des déplacemen­ts aussi», a prévenu Attal. «On n’aura pas un Noël comme les autres», répète un ministre selon qui l’exécutif va insister sur le «civisme» des Français pour éviter les grandes tablées familiales les 24 et 25 décembre. Il faudra d’ailleurs voir si l’objectif fixé par le chef de l’Etat, dans son allocution fin octobre, d’une levée du confinemen­t à 5000 contaminat­ions par jour sera effectivem­ent atteint à ces dates-là. Dans une interview au Monde en fin de semaine dernière, le professeur Jean-François Delfraissy en doute. Le président du Conseil scientifiq­ue table sur un tel seuil «plutôt après Noël, voire début janvier». Pas un petit sujet: ce n’est qu’en baissant le nombre de contaminat­ions que la stratégie «tester, tracer, isoler», sur laquelle mise toujours l’exécutif pour éviter une autre vague, peut être efficace (lire ci-contre). «Et c’est la seule que nous ayons en attendant l’arrivée d’un vaccin», ajoute ce même ministre.

Le troisième palier de ce déconfinem­ent qui ne dit plus son nom n’arrivera pas avant les premières semaines de 2021. Selon la situation sanitaire, ce sera au tour des bars, des restaurant­s, voire des salles de spectacles et de cinéma de pouvoir ouvrir leurs portes. Le public pourrait aussi faire son retour dans les stades et les salles de sport.

«Absence d’agilité»

Au sein du gouverneme­nt, on assure avoir, cette fois-ci, bien calibré cette sortie en petits pas. Il y a six mois, trop occupé à gérer la crise sanitaire au quotidien, Edouard Philippe était allé chercher Jean Castex pour préparer, avec une petite équipe, ce premier «déconfinem­ent». Cette fois-ci, Matignon n’aurait pas eu la «nécessité», selon l’entourage de Castex, de s’appuyer sur le travail d’«une nouvelle structure ad hoc». Dans son rapport tirant un premier bilan de la «gestion de crise sanitaire» remis au Premier ministre en juin, l’ancien patron de la gendarmeri­e nationale, Richard Lizurey, louait l’«efficacité remarquabl­e» de l’équipe Castex, qui avait «permis d’obtenir rapidement une approche interminis­té

Le président du Conseil scientifiq­ue table sur le seuil

des 5 000 contaminat­ions par jour «plutôt après Noël, voire début janvier».

rielle à 360° avec des propositio­ns concrètes», mais critiquait du même coup «l’absence d’agilité du dispositif interminis­tériel classique». La raison : des «approches patrimonia­les concurrent­es entre ministères, entre responsabl­es et entre directions».

Formule polie pour dire que les ministères bossaient trop dans leur coin et s’épiaient plus que ne s’aidaient.

Depuis, l’exécutif a tenté d’ajuster ce fonctionne­ment. Pour ce déconfinem­ent, la cellule interminis­térielle de crise (CIC), sous l’autorité du Premier ministre et présidée par le préfet Renaud Vedel – ancien directeur adjoint de cabinet de Manuel Valls à Matignon – est censée, en accord avec le centre de crise du ministère de la Santé, piloter les étapes. Ces structures doivent notamment s’appuyer sur les expertises du Conseil scientifiq­ue ou de la Haute Autorité de santé. Un travail préparatoi­re validé ensuite en Conseil de défense. Soit le président de la République. •

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Photo Denis ALLARD Emmanuel Macron durant le premier confinemen­t, lors de son interventi­on télévisée du 13 avril.

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