Avec les écologistes, Hidalgo passe des différences au différend
L’attaque de la maire de Paris contre EE-LV paraît stratégique autant qu’idéologique.
Une «cohabitation» entre socialistes et écolos à la mairie de Paris. Le lapsus d’un adjoint d’Anne Hidalgo en dit long : trois mois après l’affaire Girard, la majorité est à nouveau fissurée. En affirmant que les Verts avaient «un problème dans leur rapport à la République», la maire de Paris a heurté ses principaux partenaires. «Je suis dans un état de sidération, raconte Anne Souyris, adjointe EE-LV à la santé. Communiquer sur une fake news, alors qu’on a une crise dramatique à gérer, je ne comprends pas.» Les écologistes ne sont pas les seuls à faire part de leur incompréhension. Les alliés PCF, ainsi que les élus ex-PS de Génération·s déplorent l’épisode. «En ce moment, on a plus besoin de rassemblement que de clivage», juge Frédéric Hocquard, adjoint à la culture.
«Vieilles rancunes».
Tout est parti d’un vote : mardi, pendant le Conseil de Paris, les élus ont dû se prononcer sur la dénomination d’un lieu symbolique, en hommage à Samuel Paty. Tout en affirmant que les écologistes voteraient pour, Fatoumata Kone, la présidente du groupe EE-LV, a rappelé qu’il fallait normalement attendre cinq ans après un décès pour apposer une plaque. «Anne était énervée pendant la séance, raconte un adjoint. L’intervention de Fatoumata Kone était maladroite, il faut le reconnaître, mais les écolos rappellent cette règle à chaque fois. Personne ne pensait que ça donnerait lieu à cette polémique, pas même les socialistes.» Pour l’expliquer, certains évoquent de «vieilles rancunes», héritées de l’affaire Girard. «Je pense qu’elle avait la volonté de leur mettre un taquet depuis cet été», affirme un autre adjoint.
Mais c’est aussi une histoire de conviction pour Hidalgo. Dans les débats sur le féminisme, autour du cas Girard, ou sur la laïcité, le même principe est en jeu : l’universalisme. Les écologistes, selon la maire, auraient trop tendance à y déroger, au profit d’une vision différentialiste. «Elle a eu du courage, défend le maire PS d’Alfortville, Luc Carvounas, proche d’elle. Il y a autant de sensibilités que de couleurs de l’arcen-ciel chez EE-LV donc elle dit aux partenaires : “Allez-y, tranchez”.» Célia Blauel, exécolo et adjointe à la prospective, évoque aussi les «ambiguïtés» de son ex-famille politique.
Beaucoup d’élus assurent au contraire que le sujet républicain n’a jamais posé problème au sein de la majorité parisienne. «A la limite, il y a des nuances», minimise Hocquard, qui rappelle que lorsque le communiste Ian Brossat et lui-même, alors adjoints à la mairie, s’étaient rendus à la marche contre l’islamophobie l’an dernier, «il n’y avait pas eu de remarques».
«Bascule».
Faudrait-il alors voir dans cette attaque d’Anne Hidalgo une explication nationale ? Pour se démarquer des insoumis et des écologistes en vue de 2022, les socialistes misent sur les sujets régaliens (lire ci-contre). «Le drame de Samuel Paty est une bascule dans l’opinion publique, y compris à gauche, juge Carvounas. Il ne faut pas nous laisser enfermer dans une position laxiste.»
Or, Anne Hidalgo a ouvert la porte à une aventure présidentielle. «Il y a sans doute des gens qui pensent que ses propos lui permettent de se forger une image de candidate de la gauche écolo, débarrassée de ce qu’ils considèrent être le problème des Verts», analyse un adjoint. Au risque de braquer ceux sans qui la victoire est difficilement envisageable. Le même poursuit : «Un de ses grands atouts, c’est de pouvoir se présenter comme rassembleuse. Alors, cette petite musique des gauches irréconciliables, je ne trouve pas ça utile.»