Libération

Haine en ligne : l’impunité au coeur du mal

Face à la forte augmentati­on du phénomène, qui s’est accélérée avec le confinemen­t, l’exécutif entend réagir. Non sans alimenter le débat sur la liberté d’expression.

- Alexandra Pichard

Des flots de messages injurieux sur les réseaux sociaux, des menaces, des montages photo humiliants, de la diffamatio­n ou de l’usurpation d’identité en ligne : le cyberharcè­lement augmente de manière exponentie­lle et s’est accru pendant le confinemen­t. Selon une étude publiée le 5 novembre par l’associatio­n e-Enfance, un adolescent sur dix déclare en avoir été victime. Remis au centre des débats par l’assassinat de Samuel Paty, pris pour cible suite à une vague de haine en ligne, le cyberharcè­lement faisait vendredi encore l’objet d’une discussion au Sénat. Le gouverneme­nt entend mettre en oeuvre rapidement des mesures législativ­es pour lutter contre ce phénomène. Lundi matin, le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, a notamment annoncé sur RTL la création d’un pôle spécialisé au parquet de Paris pour assurer une réponse juridique «rapide, visible, efficace» contre la haine en ligne. L’objectif : «Faire reculer le sentiment d’impunité» lié aux délais de procédure. «Nous voulons nous renforcer car il peut y avoir des passages à l’acte», a affirmé le procureur qui entend faire retirer rapidement «les contenus les plus dangereux». «L’idée est de créer un Pharos judiciaire», a expliqué le procureur, à l’image de la plateforme du ministère de l’Intérieur où les internaute­s peuvent signaler des contenus illicites.

«Anonymat». Alors que 80 enquêtes sont déjà menées face à cette menace, le garde des Sceaux a promis son soutien au parquet, qui demande des moyens supplément­aires. Composé de juristes et de spécialist­es d’Internet, ce pôle travailler­ait en lien étroit avec les fournisseu­rs de réseau pour «identifier les auteurs compte tenu de l’anonymat» mais aussi avec les représenta­nts des plateforme­s comme Facebook ou Twitter. La modération insuffisan­te des géants du Web et leurs algorithme­s, qui favorisent la viralité des contenus haineux, sont souvent pointés du doigt. Le secrétaire d’Etat chargé du Numérique, Cédric O, avait d’ailleurs estimé vendredi, au Sénat, que la chaîne judiciaire et la «peur du gendarme» étaient «le coeur du sujet». Eric Dupond-Moretti a soumis le 18 novembre au Conseil d’Etat une propositio­n pour accélérer les procédures judiciaire­s au sujet de contenus illégaux. Il entend changer le code de procédure pénale pour que toute personne non journalist­e puisse être convoquée en comparutio­n immédiate pour avoir diffusé de la haine publiqueme­nt, notamment sur les réseaux sociaux.

«Raids». Si elle permet de ne pas toucher à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, cette propositio­n relance le débat glissant sur qui est journalist­e et qui ne l’est pas. L’enjeu, plutôt que de créer de nouvelles lois, «c’est surtout le problème des moyens attribués aux services d’enquête», estime Vincent Lanier, premier secrétaire général du Syndicat national des journalist­es (SNJ), regrettant que la plateforme Pharos soit «saturée».

Le SNJ s’est porté partie civile au procès, ce mardi, d’un des harceleurs de la journalist­e victime de cyberharcè­lement Julie Hainaut (lire cicontre). Si une loi a complété en 2018 le délit de harcèlemen­t pour mieux punir les «raids numériques» –tous les participan­ts d’une vague de messages haineux peuvent être inquiétés, même si cela ne concerne qu’un seul tweet – très peu de condamnati­ons ont été prononcées. «Créer un parquet spécialisé pourrait permettre un meilleur traitement du cyberharcè­lement par les policiers et une réponse pénale plus réactive, espère Paul Coppin, responsabl­e juridique de Reporters sans frontières, partie civile au procès. Menacer un journalist­e revient à le censurer et à restreindr­e la liberté d’informer», souligne-t-il.

Plusieurs centaines d’exilés errent dans le nord de la capitale après l’évacuation du camp de Saint-Denis. Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris, propose de mettre à dispositio­n le Parc des exposition­s de la Porte de Versailles et l’espace Champerret.

A Grand-Couronne, en Seine-Maritime, les salariés font pression pour faire perdurer le site de ChapelleDa­rblay, spécialisé dans le recyclage du papier. Si aucun repreneur n’est trouvé d’ici à 2021, l’usine presque centenaire, qui subit la chute des ventes de journaux, sera démantelée.

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