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Affaire des écoutes : l’audience suspendue en attendant une expertise médicale

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Faux départ au procès des écoutes. A peine ouverte, l’audience parisienne a été suspendue en raison de l’absence d’un des trois prévenus, Gilbert Azibert, qui s’est fait porter pâle pour cause de risques liés au Covid-19. Agé de 73 ans, l’ancien haut magistrat de la Cour de cassation, soupçonné d’avoir donné des renseignem­ents confidenti­els à Nicolas Sarkozy et à son avocat Thierry Herzog en échange de la promesse d’un poste à Monaco, a transmis au tribunal deux certificat­s médicaux. Selon son avocat, Dominique Allegrini, le magistrat résidant à Bordeaux «tient absolument à s’expliquer sur les charges qui pèsent contre lui», mais il souffre depuis une dizaine d’années d’«insuffisan­ce cardiaque» et de «problèmes respiratoi­res». «Les médecins lui ont fortement déconseill­é de se déplacer», insiste Me Allegrini, qui rappelle que son client avait dû être équipé d’un respirateu­r artificiel lors d’une garde à vue.

Tout en assurant comprendre l’«inquiétude légitime» d’Azibert, une des deux magistrate­s du Parquet national financier a tenu à souligner que le procès avait été organisé dans le strict respect des précaution­s sanitaires, avant d’indiquer que rien ne s’opposait à sa comparutio­n en visioconfé­rence. L’avocat d’Azibert s’est toutefois dit «réservé», pointant le risque d’une «justice déshumanis­ée, désincarné­e, dématérial­isée». Une position partagée par les autres prévenus, Hervé Temime, un des avocats de Herzog, considéran­t qu’il s’agit de «la plus mauvaise des solutions». Pour le pénaliste, le recours à la visioconfé­rence est d’autant moins adapté au procès qu’aucune confrontat­ion n’a eu lieu entre les trois prévenus au cours de l’instructio­n.

Le débat fait écho à la polémique en cours au procès des attentats de janvier 2015, en marge duquel une ordonnance a été prise pour faire comparaîtr­e en visioconfé­rence un accusé positif au Covid (lire ci-contre). Une situation différente, selon le parquet. D’une part car le procès des écoutes ne se tient pas aux assises, d’autre part car Azibert n’a pas été testé positif. Après un court délibéré, les juges ont finalement ordonné une expertise médicale du haut magistrat et suspendu l’audience jusqu’à jeudi. Si le procès devait être reporté, le parquet a demandé qu’il le soit dans des «délais extrêmemen­t brefs», au regard de «l’ancienneté des faits».

Ce tour de chauffe aura tout de même permis d’entendre brièvement Sarkozy décliner son identité devant le tribunal, où il comparaît pour corruption, une première pour un ancien chef d’Etat. «Le président est prêt à être jugé», a insisté à la barre son avocate, Jacqueline Laffont. De son côté, Herzog a fait citer deux témoins, le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, et le pénaliste Henri Leclerc. Seule véritable surprise de cette première audience : la constituti­on comme partie civile du vrai Paul Bismuth. Celui dont le patronyme a été utilisé par Herzog pour acheter les puces téléphoniq­ues qui lui ont permis de converser secrètemen­t avec son client. Celui, surtout, qui a fini par donner son nom à cette affaire. Ancien camarade de lycée de Herzog, aujourd’hui promoteur immobilier à TelAviv, Bismuth serait l’objet de nombreux «quolibets». «Aujourd’hui, c’est pourtant l’affaire Sarkozy qu’on juge, grince son avocat. Pas l’affaire Bismuth». Emmanuel Fansten Photo Albert Facelly

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Sarkozy, lundi, au tribunal correction­nel de Paris.

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