Libération

Le Président vante ses zests sociaux

Emmanuel Macron revendique les petites avancées de son mandat. Mais les échecs de ses grandes réformes pèsent sur son bilan.

- Lilian Alemagna

Rallonger la jambe gauche. Ou du moins prouver qu’elle est aussi longue que la droite quand on met, bout à bout, les décisions prises depuis le début du quinquenna­t. Au-delà de la gestion de la crise sanitaire, laissée à son Premier ministre (lire pages 14-15), Emmanuel Macron souhaite, en ce début d’année 2021, mettre en lumière les «changement­s concrets» apportés par ses décisions dans «la vie des Français». D’où le choix de son premier déplacemen­t de l’année mardi –avant celui de Jarnac de ce vendredi (lire ci-contre) – à la Caisse d’allocation­s familiales de Tours pour insister sur la réforme du versement des pensions alimentair­es. Depuis le 1er janvier, si un des deux conjoints manque à son obligation parentale, l’autre peut recevoir la somme directemen­t de sa CAF qui, elle, fait ensuite le nécessaire pour récupérer cet argent. Un engagement que le chef de l’Etat avait pris à l’issue du grand débat national post-crise des gilets jaunes, lors duquel s’étaient exprimées de nombreuses mères séparées.

Avancées.

Le président de la République veut donc prouver qu’à défaut de «grande loi sociale», il a permis de petites avancées quotidienn­es. Lors de ses voeux aux Français, il a ainsi insisté sur sa volonté de «poursuivre [son] ambition de progrès pour chacun», marqueur fort de sa campagne de 2017, qui lui avait permis de récupérer une partie de l’électorat de centre gauche dès le premier tour. Il a cité notamment les «nouveaux droits» actés en 2020 – «congé pour les aidants», «allongemen­t du congé paternité»– ou encore les milliards débloqués pour financer le chômage partiel de millions de salariés et éviter des files d’attente en hiver devant les agences Pôle Emploi. Images qui auraient été destructri­ces pour un Président qui avait à son bilan, avant la crise, la baisse du chômage et le retour de la croissance. «Ce “quoi qu’il en coûte”, je l’assume car il a permis de préserver des vies et de protéger des emplois», a souligné Macron le 31 décembre.

«Disruption».

Le problème est que ces «petits pas sociaux», s’ils changent parfois le quotidien, ne s’inscrivent pas dans le récit politique du quinquenna­t de celui qui s’était fait élire sur la promesse d’une «disruption», y compris pour une partie de la gauche. La transforma­tion du système de retraites en un régime universel et à points, idée défendue depuis vingt ans par la CFDT, aurait pu être ce symbole. Mais, menée par une équipe de droite à Matignon, elle a fini par apparaître largement comme une énième régression. Le texte est, en outre, marqué du sceau du 49.3, dégainé non face à un risque de rejet mais pour couper court au débat. Quant à la réforme constituti­onnelle, autre «marqueur» possible, elle a été plantée par le Sénat et l’affaire Benalla. Enfin, celle de la dépendance, bien partie avec la naissance d’une cinquième branche de la Sécurité sociale, est elle aussi remise à plus tard, faute de financemen­t.

A défaut de «grandes réformes sociales», le chef de l’Etat prépare les esprits à des choix plus douloureux «qui permettron­t de ne pas faire [des dépenses liées à l’épidémie] un fardeau pour les génération­s futures», comme il l’a glissé lors de ses voeux sans plus de précisions sur cette formule marquée à droite. Le séminaire gouverneme­ntal du 13 janvier pourrait permettre d’y voir plus clair. «Les Français veulent des résultats dans leur vie quotidienn­e, assure une ministre. On n’est pas réélus à coups de totems.» En avoir à son bilan peut toutefois aider.

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