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En Paca, la gauche condamnée à s’unir

Pour éviter un désistemen­t, comme en 2015, des élus de plusieurs partis veulent se concentrer sur une stratégie de premier tour.

- Stéphanie Harounyan Correspond­ante à Marseille

La réponse à la question, c’est de tout faire pour ne pas avoir à se la poser. Dans les rangs de la gauche sudiste, c’est comme ça que les différents appareils politiques tentent de résoudre l’équation du barrage au RN. Surtout, ne pas revivre l’épouvantai­l de 2015, lorsque Christophe Castaner, tête de liste PS en Paca et arrivé bon troisième, avait dû se retirer pour éviter l’élection de Marion Maréchal-Le Pen (RN). La stratégie avait permis à Christian Estrosi (LR) d’être élu mais avait privé la gauche d’hémicycle. «Quand on élimine comme ça une force de gauche, cela se paye durant des années. Si on veut rompre avec cette malédictio­n, il faut faire en sorte d’être très haut dès le premier tour», insiste Sophie Camard, exconseill­ère régionale qui, en 2015, avait mené la liste écolo-communiste. Aujourd’hui LFI et élue du Printemps marseillai­s, coalition des gauches qui a remporté la ville aux municipale­s, elle fait partie de ceux qui plaident pour une union large des forces à l’échelle régionale, seule façon de contourner le douloureux dilemme. «Répondre à une stratégie de second tour sans avoir fait campagne, ce serait juste dingue, abonde Benoît Payan, le maire (PS) de Marseille. Face au RN, il n’y a qu’une seule ligne qui compte, c’est l’union.» Certains tentent déjà d’organiser le rassemblem­ent. C’est le sens d’«Il est temps», un appel lancé fin janvier et signé par 2 000 personnes dont de nombreuses personnali­tés issues des formations de gauche, des Insoumis au PS. Olivier Dubuquoy, désigné chef de file régional de EE-LV en octobre 2020, l’a signé… ce qui lui a valu d’être suspendu illico par le mouvement, qui préfère jouer pour l’heure la carte du rassemblem­ent écologiste avant une union plus large. Une posture à contre-courant, estime le lanceur d’alerte, qui a reçu le soutien de plusieurs cadres du parti qui ont signé une tribune dans Libé pour appuyer sa démarche unitaire «face à une région menacée par l’extrême droite». «Pour être un militant de terrain, la condition sine qua non de tous les gens que j’ai rencontrés, c’est soyez unis et prenez en compte ce ras-le-bol du vote par défaut, insiste-t-il. Il n’y a que l’unité pour arriver en tête à l’issue du premier tour et ne pas avoir à faire ce choix binaire.»

Et si malgré tout, la stratégie d’évitement n’était pas suffisante ? Pour Jean-Marc Coppola, adjoint PCF à Marseille, figer une ligne de retrait à l’avance n’aurait pas de sens, trop de facteurs entrant en jeu au moment de la prise de décision. «Et puis ce serait abdiquer sur l’idée de gagne», explique-t-il. «Je renvoie la question au candidat de droite : en cas de troisième place, que fera Renaud Muselier [le remplaçant d’Estrosi à la tête de la région] ? Ce n’est pas qu’à la gauche de prendre ses responsabi­lités», pointe encore Olivia Fortin, élue du Printemps marseillai­s qui en appelle à la responsabi­lité des électeurs : «On entend dire Macron-Le Pen je ne me déplace pas, il faut aussi combattre cette idée que tout serait au même niveau, aurait les mêmes conséquenc­es.»

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