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PRÉSIDENTI­ELLE Sarkozy, ça recommence

Malgré les défaites passées et les affaires en cours, notamment celle des écoutes dont le jugement est attendu lundi, une partie de la droite rêve toujours d’un retour de l’ancien président. D’autres regrettent tout bas qu’elle ne sache pas tourner la pag

- Par Dominique Albertini

Les fleurs au printemps. Le beaujolais en novembre. Nicolas Sarkozy quand vient une élection présidenti­elle. Certaines choses sont comme réglées d’avance. Au sein du parti Les Républicai­ns, l’une d’elles veut que l’ancien président passe, dans les grandes occasions, pour le meilleur recours des siens. Retiré depuis 2016 de la scène électorale, «Sarko» occupe bien des esprits chez une droite en mal de leadership. Et s’il revenait ? «Pas une journée où on ne me pose pas la question, soupire son ancien conseiller Franck Louvrier, aujourd’hui maire de La Baule (Loire-Atlantique). La pression est de plus en plus forte. D’ailleurs, je ne lui relaie pas ce qu’on me dit : il n’a pas besoin de ça, et ça ne demande pas de réponse immédiate.»

Il est vrai que la première actualité de «l’ex» est judiciaire. Accusé de corruption et de trafic d’influence dans l’affaire des écoutes, dont on attend le jugement lundi, Nicolas Sarkozy est aussi soupçonné de financemen­t illégal de campagne dans le dossier Bygmalion, dont le procès débutera le 17 mars (lire cicontre). Mis en examen dans l’affaire des fonds libyens, il fait aussi l’objet d’une enquête pour trafic d’influence dans le cadre de son activité de conseil auprès de la société d’assurance russe Reso-Garantia. Une seule condamnati­on pèserait déjà lourd en défaveur d’un retour. Nicolas Sarkozy, du reste, n’en a jamais exprimé l’envie: ces derniers mois, au contraire, l’homme a régulièrem­ent assuré avoir tourné la page. Celui dont la dernière aventure politique s’est achevée sans gloire en 2016, au premier tour de la primaire de la droite et du centre, aurait aujourd’hui de plus simples plaisirs: sa vie de famille, ses succès de librairie et de très rémunératr­ices activités privées. Tel est, du moins, le tableau tendu au public.

«Tout sauf Retailleau»

Rien de tout ça ne décourage pourtant ses fidèles, y compris les mieux placés dans l’appareil de LR. «Pour beaucoup d’électeurs, il reste une référence et une espérance», croit savoir l’un de ses proches, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti. A droite, on discute aussi beaucoup des intentions du président de LR, Christian Jacob. Réputé n’être convaincu par aucun des profils en lice, ce dernier a renvoyé à l’été, au plus tôt, tout processus d’investitur­e. «Jacob joue le pourrissem­ent parce qu’il espère Sarko, juge une source en interne. Il ne faut pas écarter qu’ils soient perdus à ce point… Ils veulent tout sauf Bruno Retailleau», l’héritier de François Fillon qui hérisse la chefferie du parti. Dans ce cercle, on ne s’emballe pas non plus pour Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand, anciens membres de LR ; on constate, surtout, qu’aucun de ceux-là ne joue les premiers rôles dans les enquêtes d’opinion. Nicolas Sarkozy lui-même partagerai­t ces réserves, selon certains de ses visiteurs. Le pèlerinage jusqu’au bureau de l’ancien président, rue de Miromesnil dans le VIIIe arrondisse­ment de Paris, est encore une figure imposée pour tous ceux qui comptent ou veulent compter à droite. En reviennent les analyses les plus diverses sur les aspiration­s de son occupant. «Il a très envie de revenir», se persuade une figure de LR. «J’ai compris depuis longtemps qu’il ne reviendrai­t pas, sa femme ne veut pas», fait savoir, à l’inverse, un député. «Il ne l’écarte pas, mais il sait que ce n’est pas possible», balance un autre, le sénateur LR Pierre Charon, assénant le mot de la fin : Nicolas Sarkozy ne dirait, sur ses véritables intentions, «aucun mot susceptibl­e d’être répété».

A moins qu’il ne se plaise à brouiller les pistes… Sitôt arrivé, rapporte un hôte, «je lui ai dit: “Monsieur le président, vous pourriez être le recours !” Lui : “Non, c’est fini tout ça, cette société de l’horizontal­ité n’est pas faite pour moi.” Mais à la fin de notre entretien, le ton était assez différent. Il m’a dit : “On en reparlera plus tard, car une élection se cristallis­e dans les derniers mois.” Il laisse exister le scénario où, dans une situation désespérée, on irait chercher un homme d’expérience pour une campagne-éclair».

«L’effet fan club»

Contre Emmanuel Macron ? Il faut, là aussi, se préparer à tout entendre : sur la sévérité de Nicolas Sarkozy vis-à-vis de son successeur ou, au contraire, sur le caractère improbable d’un tel duel. «Il n’exclut pas la réélection de Macron, rapporte un proche. Dans ce cas, il ferait le pont avec les LR qui prendraien­t part à une grande coalition. Cela lui permettrai­t de garder un rôle… et d’éviter qu’un autre président de droite ne l’éclipse.» Une autre visiteuse : «Il m’a dit: “Moi, maintenant, je suis au-dessus.” Il ne veut pas faire du Hollande, tomber dans une sorte d’indignité où un président en agresserai­t un autre.»

Tout cela, on l’aura compris, en dit moins long sur Nicolas Sarkozy que sur l’état de sa famille politique, où de telles hypothèses meublent le brouillard. On y regarde avec fascinatio­n, et quelques regrets, la capacité d’entraîneme­nt de l’ancien chef de l’Etat, sans héritier en la matière. «C’est toujours impression­nant», témoigne une cadre qui l’a vu à l’oeuvre lors des dernières municipale­s : venu soutenir la candidate parisienne Rachida Dati, l’homme avait largement contribué à remplir la salle Gaveau. «Sarko, poursuit-on, c’est l’effet fan club : vous ne savez pas si ça pèse électorale­ment, mais ça mobilise.»

Ils sont quelques-uns, tout de même, à discrèteme­nt regretter la dépendance de la droite à son ancien chef. Sarkozy 2022 ? «Ça paraît un peu décalé, il est quand même arrivé troisième à la primaire, regrette une figure de LR. On n’arrive pas à tourner la page. Certes, il a fait rêver des gens, et il a été le dernier vote d’adhésion à une présidenti­elle. Mais il a aussi laissé beaucoup d’amertume. Au Royaume-Uni, quand [l’ancienne Première ministre] Theresa May arrive au pouvoir, les gens ne se demandent pas: “Est-ce que [son prédécesse­ur] David Cameron va revenir ?”»

Tant que l’ancien président restera dans le paysage, «personne n’émergera», pronostiqu­ait auprès de Libération, il y a quelques mois, le maire LR de Reims (Marne), Arnaud Robinet. «Comment voulez-vous créer le mouvement autour d’un autre si, dans les enquêtes d’opinion, 60 % des gens disent que le meilleur, c’est Sarko, et que vous n’êtes qu’un second choix ?» Plus d’un possible candidat à droite se pose peut-être la question. •

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Nicolas Sarkozy lors de l’université

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