De Bismuth à Bygmalion, les affaires reprennent
Le jugement de lundi sera crucial pour Nicolas Sarkozy, à deux semaines du procès qui examinera le financement de sa campagne présidentielle de 2012.
Une curieuse séquence s’ouvre lundi pour Nicolas Sarkozy, et ce à plusieurs titres. Le tribunal correctionnel de Paris doit trancher le 1er mars dans l’affaire des écoutes (ou affaire Paul Bismuth) et décider si l’ancien président de la République est coupable ou non de «corruption» et de «trafic d’influence». Les trois semaines du procès qui s’est tenu en décembre sous la houlette de la présidente Christine Mée avaient été lourdes et tendues. L’audience cristallisait divers enjeux complexes : l’avenir d’un ancien chef de l’Etat ; les relations houleuses entre juges et avocats, un membre influent du barreau, Thierry Herzog, étant lui-même prévenu au procès ; la crédibilité du Parquet national financier (PNF), affaibli par des révélations sur une enquête parallèle menée sur les «fadettes» d’une dizaine d’avocats, dont Eric Dupond-Moretti, tout nouveau ministre de la Justice… Le procès s’était achevé avec de sévères réquisitions du PNF demandant la condamnation de Nicolas Sarkozy, de Thierry Herzog et du magistrat Gilbert Azibert à quatre ans de prison, dont deux ferme – la peine encourue peut atteindre dix ans –, et des plaidoiries de la défense à l’unisson contre les «histoires» et les «fantasmes» forgés par les juges d’instruction.
Coup de pouce.
Pour résumer, c’est à l’automne 2013 que se noue la trame de l’affaire. Nicolas Sarkozy déclenche alors une bataille procédurale devant la Cour de cassation afin de récupérer ses agendas de président, saisis pour le dossier Bettencourt, dans lequel il vient de bénéficier d’un non-lieu : il cherche à éviter que d’autres juges puissent exploiter ses rendez-vous. Lui et son avocat Thierry Herzog auraient cherché à obtenir des tuyaux auprès d’un haut magistrat en poste dans la juridiction suprême, Gilbert Azibert. Le souci, c’est que leurs conversations sont enregistrées dans le cadre d’une autre enquête. Apprenant qu’ils sont sur écoute, ils vont alors faire l’acquisition de puces prépayées sous de fausses identités, notamment celle de Paul Bismuth, du nom d’un ami de lycée de Herzog. Les policiers finissent par «brancher» ces lignes clandestines et captent des conversations entre les deux hommes, analysées par le PNF comme une remise de renseignements confidentiels par Azibert en échange de la promesse d’un coup de pouce de l’ex-président pour la nomination du magistrat à Monaco.
Quel que soit le jugement rendu lundi, un appel de la défense ou du PNF est plus que probable, repoussant encore l’issue définitive de l’affaire. Pour tenter de déceler une quelconque inclination à l’indulgence ou à la sévérité de la présidente, ses dernières décisions ont été décortiquées : si son tribunal a, en février 2019, condamné la banque suisse UBS à une amende record de 3,7 milliards d’euros pour «démarchage bancaire illicite» et «blanchiment de fraude fiscale», une décision particulièrement lourde, il a totalement absous, cinq mois plus tard, Bernard Tapie et Stéphane Richard dans le procès de l’arbitrage contesté dont l’homme d’affaires avait bénéficié. Un partout, balle au centre ?
Volte-face.
La décision sera en tout cas une étape cruciale dans l’intense parcours judiciaire de Nicolas Sarkozy. Blanchi par une relaxe, il comparaîtrait remonté à bloc, à partir du 17 mars, au procès des comptes de sa campagne présidentielle de 2012 (l’affaire Bygmalion, du nom de la société de communication politique qui aurait été utilisée pour biaiser les comptes de la campagne), ne se privant pas de rappeler au passage les dernières déclarations de Ziad Takieddine, son accusateur dans le dossier du financement libyen, qui a fait volte-face en novembre. Alors qu’il martelait jusqu’alors avoir apporté à Sarkozy des valises d’argent libyen, l’intermédiaire francolibanais assure désormais la main sur le coeur que cela n’a jamais été le cas. «J’ai toujours dit que la vérité finirait par triompher», avait réagi l’ancien président. Un refrain qu’il pourrait entonner à nouveau dès lundi, repris en choeur par nombre de ses fans.
Mais si Sarkozy était condamné par la 32e chambre correctionnelle, ce ne serait plus la même histoire. La défense aurait beau jeu, avant une inévitable audience d’appel, de reprendre l’entreprise de démolition du dossier et des méthodes du PNF, largement brocardées en première instance, mais le prochain procès est du ressort du parquet de Paris, et non du PNF.
C’est lesté d’une première défaite judiciaire que l’ex-président reprendrait ses visites régulières dans les tribunaux, qu’il fréquente avec assiduité depuis qu’il a quitté l’Elysée en 2012. Une série de dossiers lui collent aux basques, sans même compter les procédures qui l’ont effleuré sans le toucher : il y a eu l’affaire Bettencourt, avec une mise en examen puis un non-lieu; les soupçons portés sur un éventuel financement libyen de sa campagne de 2007 ; une nouvelle enquête sur des conseils prodigués à une société russe d’assurances – dans laquelle Sarkozy n’est pas poursuivi à ce stade. Un chemin de croix plus qu’un bénéfique parcours initiatique.