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Air France : la justice saisie pour fraude au chômage partiel

- Franck Bouaziz

Les ennuis volent en escadrille pour Hop, la filiale d’Air France spécialisé­e dans les liaisons courte distance. L’entreprise a engagé, depuis près d’un an, un plan de restructur­ation visant à supprimer 1 020 postes pour un effectif de 2 600 salariés. Or ces réductions sont contestées par le ministère du Travail. Les conditions de reclasseme­nt de salariés licenciés au sein de la maison mère, Air France, ne sont pas jugées suffisante­s. En outre, selon les informatio­ns obtenues par Libération, une procédure pénale va être engagée contre Hop par l’inspection du travail pour fraude aux allocation­s au chômage partiel. Le parquet du tribunal judiciaire de Nantes va être saisi de l’affaire dans les prochains jours.

Le litige porte sur la rémunérati­on des pilotes de Hop, placés l’an dernier en activité partielle compte tenu de l’effondreme­nt du trafic aérien du fait de la crise sanitaire. Pourtant, certains travaillen­t toujours à un rythme soutenu. «Comme nous avons de petits avions, dont les coûts sont moins élevés, nous nous sommes substitués à pas mal de vols habituelle­ment effectués par Air France avec de plus gros appareils, mais qu’il n’est pas rentable de faire voler avec peu de passagers», confie un pilote. Or à partir d’un certain seuil –67 heures de vol par mois– les pilotes de Hop sont rémunérés selon un système d’heures supplément­aires majorées. L’inspection du travail a donc pointé l’illégalité qui consiste pour la filiale d’Air France à percevoir des aides de l’Etat au titre de l’activité partielle et en même temps de rémunérer certains de ses pilotes en heures supplément­aires.

«La direction a pourtant été alertée de l’existence de ce problème, mais elle a joué la politique de l’autruche», estime sous couvert d’anonymat ce même commandant de bord. Lorsque le procureur de la République de Nantes sera saisi, il aura la possibilit­é d’ouvrir une enquête préliminai­re et de confier une enquête à un service de police pour faire la lumière sur ce système, ou bien il pourra décider de classer l’affaire.

Sollicitée­s par Libé, ni la direction de la filiale Hop ni celle d’Air France n’ont souhaité réagir. Pourtant, la question du mode de rémunérati­on des pilotes risque aussi d’être posée par l’inspection du travail dans deux autres entités du groupe Air France-KLM : la filiale Transavia, spécialisé­e dans les vols à bas coûts, et Air France auraient-elles mis en place des systèmes de rémunérati­on similaires, dans lesquels chômage partiel et heures supplément­aires majorées coexistent ? La question agite les services concernés du ministère du Travail.

D’autant qu’Air France, dont l’Etat est actionnair­e à 15 %, fait partie des entreprise­s les plus massivemen­t soutenues depuis le début de la pandémie: la compagnie en grande difficulté a reçu 3 milliards d’euros d’aide directe de l’Etat et un prêt garanti de 4 milliards. Dans les toutes prochaines semaines, le gouverneme­nt va aussi recapitali­ser Air France à hauteur de 3 milliards d’euros, afin d’effacer en grande partie l’ardoise de ce prêt.

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AFP Air France a reçu 3 milliards d’aide directe de l’Etat.

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