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Corruption au Togo : Bolloré plaide coupable mais ne devrait pas éviter la correction­nelle

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Bolloré à la barre ? Stupeur et tremblemen­t dans le microcosme médiatico-financier : l’un des hommes d’affaires les plus puissants de France pourrait avoir à rendre des comptes devant un tribunal correction­nel. La juge Prévost-Desprez, du tribunal judiciaire de Paris, a en effet estimé vendredi «nécessaire» un procès notamment pour des faits de corruption au Togo reprochés à Vincent Bolloré. Ce dernier, mais aussi Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré, et Jean-Philippe Dorent, directeur internatio­nal de l’agence Havas, filiale de Bolloré, avaient pourtant accepté une sorte de plaidercou­pable à la française dans ce dossier. Soit une comparutio­n sur reconnaiss­ance préalable de culpabilit­é et le paiement d’une amende de 375 000 euros. Mais lors de l’audience, la juge a refusé d’homologuer cette CRPC, estimant que les peines étaient «inadaptées au regard de la gravité des faits reprochés» et qu’il était «nécessaire qu’ils soient jugés» par un tribunal correction­nel. Les faits ont «gravement porté atteinte à l’ordre public économique» et «à la souveraine­té du Togo», a tranché la juge. Il appartient désormais à un juge d’instructio­n d’ordonner ou non un procès pour le trio. En revanche, la juge a validé la convention judiciaire d’intérêt public visant le groupe, qui prévoit une amende de 12 millions d’euros. A celle-ci s’ajoute le provisionn­ement de 4 millions d’euros pour assumer le coût d’un programme de mise en conformité aux règles de l’Agence française anticorrup­tion, qui réalisera un suivi pendant deux ans. Si les conditions sont remplies, la fin des poursuites sera définitive pour le groupe. Mais pas pour son patron et ses deux acolytes. Ce dossier, vieux de onze ans, colle aux semelles du patron de Canal+, C8 et CNews. Il concerne la prolongati­on et l’extension de la concession du port de Lomé, au Togo, porte d’entrée stratégiqu­e sur un continent, l’Afrique, à l’origine de la fortune du magnat breton, estimée à 5,7 milliards d’euros. Au terme de son instructio­n, la juge Aude Buresi a estimé qu’un pacte de corruption a été scellé entre la direction du groupe Bolloré et le président du Togo avant sa réélection en mars 2010. Lors de l’audience vendredi, le holding et Bolloré, Alix et Dorent ont reconnu avoir utilisé les activités de conseil politique de la filiale Havas afin de décrocher la gestion des ports de Lomé, au Togo, et de Conakry, en Guinée, via une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, ancienneme­nt appelée SDV.

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