Photo / Les mondes intérieurs de Bruxelles
Malgré la pandémie, la cinquième édition de la manifestation a été maintenue, avec pour thématique le confinement. Sélection parmi les photographes présentés qui livrent leurs visions décalées d’un monde sous cloche et jonglent avec le sujet imposé, sans
Comme toutes les initiatives culturelles, condamnées depuis maintenant un an à se contorsionner pour survivre, PhotoBrussels a dû batailler. Par chance cependant, la Belgique laisse ouvertes les portes des musées, galeries et autres fondations. A l’origine, la cinquième édition était prévue fin 2020 avec, comme sujet central, l’environnement. Mais au gré des aléas, l’événement a en définitive démarré mi-janvier, le lendemain du jour où il devait initialement baisser le rideau, pour une durée de trois mois. Entre-temps, la feuille de route a aussi été révisée, avec une thématique foudroyante d’originalité : le confinement ! Sauf que, par le biais d’un appel à projet, l’idée phare était, «passé la stupeur, de privilégier la résilience», selon les termes d’un des six membres du jury, Rodolphe de Spoelberch, collectionneur et fondateur du Hangar [lire ci-dessous], berceau d’un festival qui profite de sa tenue pour créer un effet d’entraînement en listant la quarantaine d’autres sites bruxellois (Bozar, Contretype,
Patinoire royale…) présentant des travaux photo, quoique sans lien particulier avec l’axe prédéfini. Sans verser dans l’angélisme, la vie est donc belle au Hangar. Ou du moins pas si moche, quand on passe en revue les 27 lauréats (sur 419 dossiers) réunis sous l’intitulé The World Within. A l’exemple, par-delà une poignée d’artistes aguerris (Bruno Boudjelal, Patrick Messina, Julia Fullerton-Batten), des trois jeunes regards repérés et introduits ci-après.
«Suillus» Alice Pallot
Suivez la guide. Alice Pallot, Française établie à Bruxelles (et passée par l’école des arts visuels de la Cambre), a, un jour de lockdown, l’idée d’associer sur son ordinateur les mots «Sahara» et «Belgique»… Qui, en mal d’exotisme low-cost, la conduisent à Lommel, à côté de la frontière avec les Pays-Bas, sur un ancien site industriel jadis pollué par une usine de zinc et devenu une espèce de désert au milieu d’une forêt de conifères. Impossibles à localiser, ses images (réalisées sans retouche, le temps d’une escapade entre amis) ignorent cependant tout tracé documentaire, pour emprunter les chemins de traverse d’une démarche plasticienne sinuant au milieu des éléments et des corps. «Une façon, suggère l’artiste, de continuer à créer du désir, entre réalité, fiction et fantasmagorie, malgré un rapport au temps bouleversé.»
«Home-Play» Lucas Leffler
A 27 ans, le Bruxellois Lucas Leffler ne cherche pas à se jucher sur un quelconque échafaudage conceptuel pour, «fasciné par les motifs végétaux et la matière», repenser la déco de la collocation où il réside, dans le nord de la ville. Des rouleaux de papier cadeau par ci, une glycine centenaire derrière la fenêtre par là, et le tour est joué. Au moral défaillant de ses congénères, lui rétorque : «J’avais envie de faire ces images depuis un moment, sans parvenir à trouver le bon prétexte. Or, là, c’était le printemps, j’étais coincé chez moi et il y avait une belle lumière.» Il faut savoir faire simple.
«L’Insolite Colin»
Gérome Barry
A vue d’oeil, l’appartement fait quelques dizaines de mètres carrés. Mais le Parisien Gérome Barry le transforme en sérail burlesque à travers une dizaine de mini-vidéos DIY (d’une minute ou deux) filmées à l’iPhone ou au Blackmagic Pocket. Bidonnantes d’inventivité, les saynètes accessoirisées (rouleaux de
PQ, fer à repasser, cartons…) expliquent comment, tout en restant cloîtré chez soi, organiser un tournoi de poker, courir un marathon, ou passer une soirée à l’opéra. Un pisaller idoine pour ce transfuge de la Fémis, disciple de Jacques Tati et de Michel Gondry, et collaborateur occasionnel d’Emmanuel Mouret, en attendant de pouvoir défendre son premier long métrage, la comédie musicale Swing rendez-vous, coincée dans l’embouteillage des films actuellement en carafe.
PhotoBrussels Festival, The World Within le Hangar à Bruxelles, jusqu’au 25 avril. Rens. : Hangar.art.