Mathieu Boogaerts accent tonique
Installé à Londres, le chanteur sort un album en anglais, retrouvant la dimension lunaire de ses débuts.
Vingt-cinq ans de carrière. Cela commence à faire. En huit albums depuis 1996, Mathieu Boogaerts a réussi à se faire une place à la fois remarquée et discrète au sein du paysage de plus en plus accidenté de la chanson française. La fidélité de ses fans et de son label Tôt ou Tard étant parfois récompensée par une surprise, comme les cinq millions de streams totalisés rien que sur Spotify par la chanson Avant que je m’ennuie. Un chiffre surprenant quand on sait que la chanson est le plus pauvre pa- rent du streaming. Pas certain néanmoins que cela lui ait rapporté beaucoup d’argent, mais c’est un autre débat.
Bref, Mathieu Boogaerts est là depuis un mo- ment et il doit se demander à chaque album comment ne pas tourner en rond. Tenter des aventures, se mettre en danger pour se renouveler a toujours été une préoccupation pour un musicien qui a multiplié les collaborations, l’écriture pour d’autres et les expériences, comme lorsqu’il s’était produit durant près d’un an tous les mercredis dans la minuscule salle de la Java à Paris.
Grand voyageur, Mathieu Boogaerts a longtemps été tenté par l’Afrique, mais c’est une expédition moins lointaine qu’il a effectuée avec ce disque. Il est allé s’installer à Londres avec femme et enfant et y a enregistré cet album entièrement en anglais. Ce n’est pas tout à fait la première fois qu’il s’essaie à la langue des Beatles, déjà dans I Love You, un de ses disques les plus «expérimentaux», il chantait quelques phrases en anglais, sans effort pour cacher son accent. L’expérience est ici radicalisée, les onze titres étant entonnés avec un mélange de gouaille à la Maurice Chevalier et de timide maladresse. Ressourcé, Mathieu Boogaerts retrouve la dimension lunaire de ses débuts bossa avec Ondulé. Après l’extrême sophistication mélancolique de Promeneur en 2016, il renoue avec l’esprit des bricolages minimalistes de ses débuts et un peu plus de légèreté, ce qui ne l’empêche jamais de nous toucher au coeur.