Sinéad Gleeson Constellations. éclats de vie Traduit de l’anglais (Irlande) par Cécile Arnaud. Quai Voltaire, 308 pp., 22 € (ebook : 15,99 €).
Pour emprunter le vocabulaire médical, c’est un texte comme une scintigraphie : il éclaire différentes parties du corps pour explorer les os, les organes, les tissus, et voir ce qui s’y cache, l’origine des douleurs, l’histoire de chacune. En voyage dans les souvenirs de la narratrice (prothèse de hanche, embolie pulmonaire, leucémie), les médicaments deviennent des personnages et la tendinite, un poème. Une dent de sagesse ? Un «poivrot accoudé au comptoir» de la bouche ; quant au point de côté, c’est l’enfance, nostalgie du «coup de poignard dans le flanc» et des herbes hautes. Plus largement, la réflexion gravite autour de celles qui ont fait des oeuvres de leurs infirmités ou maladies, Frida Kahlo, Lucy Grealy, Jo Spence, et s’en trouve renforcée. A l’éclatement de la forme personnelle répond une unité de fond collective. Nous sommes en Irlande, pays où, avant 2018, l’avortement était quasi totalement interdit. «L’histoire de l’Irlande – pour les femmes – c’est l’histoire de nos corps.» Premier livre d’une critique d’art et de littérature dublinoise qui, au compte-gouttes, rend aussi bellement hommage à ses disparus.