Déconnectés
L’hystérie de la majorité ce week-end, engendrée sur les réseaux sociaux, les plateaux télé et les radios par la dernière une de Libé, en dit long sur le déni dans lequel s’est enfermé l’exécutif et aussi sur l’état de la macronie.
Que disait-elle ? Que le peuple de gauche, qui a fait barrage en 2017 contre Marine Le Pen en votant pour Emmanuel Macron, n’entend plus se faire voler son élection, le front républicain, c’est fini. Il ne s’agissait pas, bien sûr, d’une prise de position du journal, qui n’aurait aucun sens à près d’un an de l’élection présidentielle, mais d’un constat nourri par les retours d’un appel à témoignages et aussi par les remontées du terrain. Ce sont nos spécialistes de la gauche, Rachid Laïreche et Charlotte Belaïch, qui nous ont alertés. Ils passent leurs journées à échanger avec celles et ceux qui, du PS au PCF, en passant par LFI et EE-LV, forment le gros des électeurs de gauche et, pour eux, le seuil d’alerte est bel et bien atteint. Déçus voire révoltés par un président qui a davantage donné de gages à la droite qu’à la gauche depuis quatre ans et qui a bien du mal à faire oublier son attitude jupitérienne des débuts, ulcérés par les batailles d’ego qui empêchent les leaders de gauche de faire équipe commune avec un projet apte à les galvaniser, ces électeurs envisagent de rester chez eux le jour du vote si, comme cela en prend le chemin, le choix doit à nouveau se faire entre Macron et Le Pen. Un choix que Macron entretient savamment, convaincu qu’il poussera la gauche à se mobiliser pour lui. De toute évidence, il se trompe, jouant dangereusement avec le feu. Et ce n’est certainement pas en fustigeant Libé comme ils l’ont fait ce week-end que les barons et les baronnes de la macronie vont renverser la situation. Leur surprise et leur colère montrent au contraire à quel point ils sont déconnectés du terrain. Il reste un an. Un an pour faire en sorte que ce duel mortifère n’ait pas lieu. Un an pour permettre aux leaders de gauche de s’entendre sur la candidature la plus rassembleuse possible. Seule solution pour donner envie aux électeurs de gauche d’aller voter. Non pas contre. Mais pour. •