Comme les autres
Le tribunal aurait pu ajouter que c’est un jour triste pour la nation. C’est en tout cas la phrase qui revient dans les verdicts très différents d’Ivo Sanader (Croatie, 2012), Ehud Olmert (Israël, 2015), Lise Thibault (Canada, 2015) ou Park Geun-hye (Corée du Sud, 2017), tous leaders de pays démocratiques et condamnés à la prison pour corruption. Lundi, l’ex-président de la République Nicolas Sarkozy a été rajouté à cette liste désolante, ayant été déclaré coupable de «corruption» et de «trafic d’influence», et condamné à trois ans de prison. Mais est-ce pour autant un jour triste ? Le tribunal correctionnel de Paris rappelle, dans un verdict d’une grande sobriété, que les faits «sont d’une particulière gravité ayant été commis par un ancien président de la République qui a été le garant de l’indépendance de la justice», et ajoute qu’il «s’est servi de son statut d’ancien président de la République et des relations politiques et diplomatiques qu’il a tissées alors qu’il était en exercice». Face à ce qu’il a appelé «un pacte de corruption», le tribunal a donc décidé de sauver la nation d’une possible victoire de ce pacte sur la justice. La France rejoint ainsi les démocraties où les puissants sont des justiciables comme les autres, ce dont on pouvait commencer à douter. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour le prouver définitivement : abolir les tribunaux d’exception réservés aux politiques en exercice, comme la Cour de justice de la République. Moins de vingt-quatre heures avant le verdict de Sarkozy, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou s’était d’ailleurs déclaré «pas forcément hostile» à un projet de loi interdisant de juger un président en exercice, appelé par son entourage «la loi française». La disparition lente mais résolue de cette exception française ne peut être qu’heureuse pour notre démocratie. •