Affaires des écoutes : au tribunal, les sommités défaites
Dans leur jugement, les magistrats ont souligné la gravité des faits en rappelant les fonctions des trois prévenus et leurs liens d’amitié.
La date restera gravée dans les annales de la Ve République. A l’issue de trois semaines d’un procès sous haute tension et au terme de trois mois de délibéré, Nicolas Sarkozy a été condamné lundi par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans de prison, dont un ferme, dans l’affaire des écoutes. Visiblement sonné à l’annonce du jugement, l’ex-président a quitté promptement la salle d’audience après avoir échangé quelques mots avec ses conseils, sans faire la moindre déclaration aux nombreux journalistes massés à l’extérieur. Lui qui rêvait de «laver cette infamie» tombe de très haut.
Accusé d’avoir promis, par l’intermédiaire de son avocat Thierry Herzog, un poste à Monaco à un haut magistrat de la Cour de cassation en échange d’informations sur un dossier en cours, l’éternel homme providentiel de la droite a été reconnu coupable de «corruption» et de «trafic d’influence». «La preuve du pacte de corruption ressort d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants résultant des liens très étroits d’amitié noués entre les protagonistes», souligne le jugement, lu dans un silence de plomb par la présidente, Christine Mée.
«Parfaitement informé»
Des faits d’autant plus graves, aux yeux du tribunal, qu’ils ont été commis par un ex-chef de l’Etat, supposé être le «garant de l’indépendance de la justice», mais qui s’est servi de son «statut» et des «relations politiques et diplomatiques» tissées durant son mandat pour «gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel». Et ce, alors même qu’en tant qu’avocat de formation, Nicolas Sarkozy était «parfaitement informé des obligations déontologiques de cette profession». Le tribunal a justifié sa condamnation à de la prison ferme par la «gravité des infractions commises», mais aussi par la «personnalité de leur auteur».
La même peine de prison a été prononcée à l’encontre de son vieil ami Thierry Herzog, accusé d’avoir sciemment transmis un document couvert par le secret de l’instruction au magistrat Gilbert Azibert, et ainsi «bafoué le secret professionnel» en tentant d’influer sur une procédure judiciaire à l’aide de «procédés illégaux». «Le lien personnel fraternel qu’il a noué avec M. Sarkozy a obscurci, par manque de distance, son discernement professionnel»,
soulignent les magistrats parisiens. Humiliation suprême, l’avocat historique de l’ancien président écope d’une interdiction d’exercer sa profession pendant cinq ans, conformément aux lourdes réquisitions du Parquet national financier.
Les juges n’ont pas épargné non plus l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert – également condamné à trois ans de prison dont un ferme –, accusé d’avoir utilisé sa fonction au sein de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français pour y glaner des informations confidentielles. Rappelant que la mission de cette sommité du droit consistait à «servir avec honnêteté, loyauté, dignité et impartialité l’institution judiciaire, et non pas à se mettre au service d’intérêts privés», le tribunal a tenu à souligner que les délits commis par un magistrat dans de ses fonctions étaient «de nature à jeter le discrédit sur une profession dont la mission est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie». Circonstance aggravante pour les juges parisiens : ces délits ont «porté gravement atteinte à la confiance publique en laissant entendre que les décisions de la Cour de cassation peuvent faire l’objet d’agissements occultes en faveur d’intérêts privés». Dès lors, ce «dévoiement» exigeait «une réponse pénale ferme».
Écoutes compromettantes
Depuis la révélation de cette affaire, en 2014, les proches de Nicolas Sarkozy ont tenté par tous les moyens de faire annuler les écoutes compromettantes et dénoncé les méthodes déloyales du PNF, accusé de s’être acharné contre leur chaml’exercice pion au mépris du droit. Une défense qui a fini par faire long feu. Tout en soulignant que le secret professionnel constituait «une garantie primordiale du procès équitable», les magistrats ont souligné que ce secret n’était pas pour autant «intangible». Considérant qu’il n’était pas juge de la régularité des interceptions téléphoniques, qui avait déjà été examinée lors de l’instruction, le tribunal a ainsi estimé que la retranscription des conversations incriminées visait un «but légitime» et ne constituait pas «une atteinte disproportionnée» aux droits de la défense.
Au cours du procès, les avocats de l’ancien président avaient dénoncé un «dossier plein de fantasmes et vide de preuves», évoquant de simples «bavardages» au téléphone. «Cette affaire a été pour moi un chemin de croix, mais si c’était le prix à payer pour que la vérité chemine, je suis prêt à l’accepter», avait indiqué Nicolas Sarkozy à la barre, avant d’assurer avoir «encore confiance en la justice de notre pays». Au même titre que ses deux coprévenus, l’ancien président a annoncé son intention de faire appel de sa condamnation, son avocate dénonçant un jugement «totalement infondé et injustifié».