Cargos de bétail : un enfer sur mer pour plus de 2 600 bovins
«Voilà sans doute l’un des pires exemples de l’absurdité du transport d’animaux par voie maritime», estime Adeline Colonat, chargée de mission à Welfarm, l’association de défense des animaux de ferme qui dévoile en France l’histoire de deux cargos de bétail. Ils ont quitté l’Espagne le 18 décembre avec une même destination: la Turquie. Le premier, le Karim Allah, a quitté le port de Carthagène avec à son bord 895 taureaux âgés de 7 à 8 mois. Le second, l’Elbeik, chargé de 1 776 bovins, a largué les amarres depuis Tarragone. Parvenus à destination, ces deux cargos se sont vu refuser le débarquement de leur cargaison. En cause : une suspicion de fièvre catarrhale, ou maladie de la langue bleue, à bord.
Ces animaux viennent en effet de la province de Huesca, considérée comme à risque pour cette maladie. Mais selon Adeline Colonat, la réalité serait beaucoup plus trouble : «Selon nos informations, le problème proviendrait des certificats sanitaires délivrés par les autorités espagnoles, et non conformes selon les autorités turques. Il semblerait qu’il n’y avait en réalité aucune épidémie de fièvre catarrhale à bord de ces cargos et que tout soit lié à cette embrouille bureaucratique.» Pendant plus de deux mois, ces cargos ont erré en mer, sans doute à la recherche d’autres clients et de nourriture pour les animaux. L’historique de leur trajet maritime témoigne de leur passage par la Turquie, la Libye, la Sicile, la Sardaigne, l’Egypte et Chypre. A bord du Karim Allah, revenu le 22 février à Carthagène, une vingtaine d’animaux seraient déjà morts. Des photos diffusées par des militants de l’association AWF, qui ont pu monter à bord, montrent les animaux entassés et pataugeant dans leurs excréments. «Les autorités espagnoles ont décidé que ces bovins n’étaient plus aptes à repartir en mer. Leur déchargement vient de débuter», annonce Iris Baumgartner, responsable de projet à l’AWF. Une enfilade de caissons métalliques a été disposée sur le quai : les animaux y seront abattus sitôt débarqués, puis envoyés à l’équarrissage. Le même destin guette sûrement les bovins de l’Elbeik : après un long surplace au large de Chypre, le cargo serait aussi en route vers Carthagène. Les ONG n’ont encore aucune information concernant l’état des animaux à son bord.