«La Déferlante», la nouvelle vague féministe
Ce trimestriel au graphisme soigné et pétillant entend devenir un lieu de rencontre intellectuel et militant pour le féminisme français et international. Premier numéro de la revue en vente le 4 mars, après une campagne de préventes réussie.
Parfois, certains espaces ne nous apparaissent que lorsqu’ils sont comblés. Ainsi de celui que s’apprête à occuper la Déferlante, revue trimestrielle indépendante consacrée aux «révolutions féministes». Le premier numéro, «Naître», mûrit depuis deux ans dans la tête des journalistes Marie Barbier, Emmanuelle Josse, Lucie Geffroy et Marion Pillas. «L’idée de la Déferlante est vraiment née du constat que ce positionnement éditorial n’existait pas», explique Marie Barbier. Par ailleurs, «ce sont majoritairement des hommes qui occupent les ours et les couvertures. Nous revendiquons, nous, un média créé et dirigé par des femmes.» Objectif : bâtir un espace de débat entre les différents courants féministes et cartographier les luttes françaises et internationales.
Appuyées par un solide comité éditorial composé de chercheuses, de militantes et de journalistes, les quatre cofondatrices puisent leur force dans ce collectif, avec l’exigence de multiplier les regards. Une pluralité essentielle selon Bibia Pavard, historienne et membre du comité éditorial: «A chaque mobilisation féministe, il est nécessaire de créer des espaces de prise de parole. Ils permettent une circulation des savoirs et leur diffusion dans la société.»
Dans le numéro inaugural, au fil des pages au graphisme lumineux et soigné, les lecteurs et les lectrices trouveront un grand reportage sur les Chiliennes de Las Tesis, un entretien croisé entre Céline Sciamma et Annie Ernaux, des témoignages militants et des articles scientifiques.
Pas de concurrence entre la Déferlante et la myriade de médias féministes qui existent déjà, des revues militantes aux comptes Instagram, en passant par les pure players. «Il y a de la place pour tous ces médias, qui ont chacun leurs cibles et objectifs», explique Bibia Pavard. Dans le manifeste publié en première page, les cofondatrices insistent sur le rôle de la revue : une «boîte à outils» à destination du plus grand nombre, servie par des formats journalistiques très divers multipliant les références artistiques et littéraires pour creuser les thématiques abordées.
Les fondatrices ont néanmoins à coeur d’éviter l’écueil d’une approche surplombante des féminismes et du mouvement social: «La Déferlante ne se place pas au-dessus de la mêlée, énonce le manifeste, elle prend parti.» Les cofondatrices privilégient une approche intersectionnelle et inclusive. «Les personnes qui tiennent des propos transphobes ou racistes n’ont pas leur place dans nos pages», pose Marie Barbier.
Au coeur du projet la Déferlante, la célèbre phrase de Carol Hanisch, «le personnel est politique», forgée dans les années 70 et qui a introduit une véritable rupture épistémologique dans le féminisme. Chaque numéro proposera un grand dossier, décliné à partir d’un verbe : «Naître» pour le premier et «Manger» pour le second. «Il s’agit de voir comment les rapports de genre se créent à l’intérieur de la vie quotidienne», expose Emmanuelle Josse. On suit alors le dossier comme un fil, qui met en lumière des normes et des points de politisation à travers des témoignages, des articles de chercheurs et de chercheuses, des expériences militantes.
Pour Bibia Pavard, la Déferlante répond à la nécessité de créer un «média à soi», en référence à l’ouvrage de Virginia Woolf Une chambre à soi (1929). Cette idée se retrouve aussi dans la volonté des fondatrices de privilégier l’utilisation de l’écriture inclusive et de visibiliser des autrices, graphistes, illustratrices. Pour Emmanuelle Josse, «il est normal de valoriser des paroles qu’on entend moins ailleurs, cela amène à confier davantage de choses à des femmes. Cela rappelle que ces voix-là existent».
Et il semble que la Déferlante ait déjà trouvé un certain public, forte de 2 600 abonné·e·s. Derrière la couverture, un énorme «Merci» accompagne sur fond rose les noms des 6 000 contributeurs et contributrices qui ont participé à l’aventure.