Poutine parle à ses Chambres et snobe le reste du monde
C’était le discours le plus attendu depuis le début de l’année et la première apparition publique importante de Vladimir Poutine depuis le début de la pandémie. Pendant une heure et demie, le président russe s’est adressé aux deux Chambres de son Parlement, avec un discours annuel sur l’état de la nation. Tout le gratin politique, économique et culturel russe était rassemblé pour l’écouter avec déférence égrener les directives sur la famille, l’école, les infrastructures… et distribuer de l’argent. «C’était un discours préélectoral à destination des Russes, en prévision des législatives de cet automne, souligne Tatiana Stanovaya de R.Politik. Poutine a bien compris que les gens sont fatigués de géopolitique, ils veulent de l’argent, et des solutions concrètes à leurs problèmes quotidiens.»
Le chef d’Etat continue d’incarner le pouvoir, mais sa cote de popularité est en baisse, l’humeur populaire est maussade alors que le pays est enlisé dans une crise économique. Le leader russe ne semble plus s’adresser qu’à sa base électorale, sans chercher à reconquérir les coeurs perdus.
«Les vrais sujets, la géopolitique et les relations internationales, qui le préoccupent véritablement, ont été laissés en dehors de cette discussion nationale», relève Stanovaya. Et de fait, Poutine n’a pas eu un mot pour les dossiers sur lesquels il était attendu. Il n’a pas parlé de l’amoncellement des armes et des troupes russes aux frontières avec l’Ukraine. Ni des échanges d’amabilités avec Washington. Ni du scandale des espions du renseignement militaire russe en Tchéquie. Il s’est contenté de rappeler que «les organisateurs de la moindre provocation qui menacerait les intérêts profonds de notre sécurité le regretteront comme ils ne l’ont pas regretté depuis longtemps», sans préciser s’il s’agissait d’intimider les ennemis de l’intérieur ou de l’extérieur. Et s’est désolé que les attaques contre la Russie «avec ou sans raison» soit devenue un «nouveau sport».
Seul dossier international sur lequel Poutine s’est attardé: le prétendu coup d’Etat auquel aurait échappé de justesse Alexandre Loukachenko. Les services secrets de Moscou et de Minsk prétendent avoir déjoué un complot visant à renverser le dirigeant biélorusse et kidnapper ses enfants. «Que ce soit vrai ou pas n’a aucune importance, commente Stanovaya, puisque c’est tout à fait plausible et que ça aurait pu arriver, dans la vision du monde de Poutine», qui considère, tout comme son homologue biélorusse, que les Occidentaux passent leur temps à manoeuvrer pour les déstabiliser. Pendant que le leader dissertait, les interpellations continuaient dans les rues des grandes villes du pays. Face à la détérioration dramatique de la santé d’Alexeï Navalny et au refus des autorités carcérales de le laisser voir un vrai médecin – sujet également laissé de côté par le chef d’Etat –, son entourage avait décidé de lancer un appel à manifester. En fin de journée, près de 400 personnes avaient été arrêtées dans plus de 60 villes, selon l’ONG OVD-Info, et des centaines de personnes se rassemblaient à Moscou mercredi soir.