Libération

Le début du déconfinem­ent mis sur orbite

Le Premier ministre et le ministre de l’Education ont détaillé jeudi les premières étapes d’un retour «prudent» à une «vie normale». Les établissem­ents scolaires rouvriront le 26 avril puis le 3 mai, date à laquelle disparaîtr­a la limite des 10 kilomètres

- Par Lilian Alemagna, Franck Bouaziz et Elsa Maudet

D’abord les écoles. Pour le reste, on verra. De retour derrière son pupitre et devant son fond blanc de la salle de presse du ministère de la Santé, Jean Castex a détaillé, jeudi, en conférence de presse, les premières étapes du retour «progressif» et «prudent» vers ce retour à «une vie plus normale» promis par le gouverneme­nt, au départ, pour la mi-avril et qui interviend­ra donc début mai. «Le pic de la troisième vague semble […] derrière nous», s’est félicité le Premier ministre, demandant toutefois aux Français de «rester très vigilants» de «ne rien lâcher […] au risque de tout compromett­re». Crèches, écoles, collèges et lycées reprendron­t bien aux dates prévues. Le 3 mai, il en sera fini de l’attestatio­n et ses «motifs impérieux» pour faire plus de dix kilomètres autour de chez soi. Mais pas du couvre-feu, «maintenu jusqu’à nouvel ordre». La suite est encore très floue. Le Premier ministre a confirmé, «sous réserve de l’évolution sanitaire», qu’un «nouveau train» de réouvertur­es (commerces, lieux culturels…), éventuelle­ment «mi-mai», sera annoncé, «sur une base territoria­lisée», dans les «prochains jours».

Comment les écoles vont-elles rouvrir ?

Comme prévu, les élèves de maternelle et d’élémentair­e reprendron­t le chemin de l’école lundi, quand les collégiens et lycéens repartiron­t pour une semaine de cours à distance. A partir du 3 mai, tous les lycées repasseron­t en fonctionne­ment hybride : seule la moitié des élèves d’un établissem­ent pourra être accueillie simultaném­ent, l’autre devant suivre les cours à la maison. Charge à chaque lycée d’organiser cette «demi-jauge» à sa guise. Dans les quinze départemen­ts où le virus circule le plus activement, les élèves de quatrième et de troisième suivront le même fonctionne­ment. Comme avant les vacances, un cas de Covid détecté dans une classe entraînera sa fermeture.

Le gouverneme­nt entend par ailleurs monter en puissance sur la question des tests. Salivaires, d’une part, chez les moins de 15 ans : l’objectif est d’en proposer 600 000 par semaine d’ici à la mi-mai, contre 250 000 fin mars, en ciblant en priorité les zones de circulatio­n active du virus. Les autotests, ensuite : «50 millions seront déployés» dans les établissem­ents scolaires en mai et juin, a affirmé le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer. Les profession­nels en auront deux par semaine, à réaliser à domicile, à partir de la semaine prochaine. Les lycéens d’au moins 15 ans seront formés à la pratique à partir du 3 mai et pourront se tester «dans des lieux dédiés dans les lycées à partir du 10 mai», à raison d’un test par semaine, a indiqué le ministre. Si la Haute Autorité de santé se prononce en faveur des autotests chez les moins de 15 ans, ils seront également proposés aux collégiens. Le ministre a par ailleurs recommandé d’aérer les salles de classe «toutes les heures» et «encouragé» les collectivi­tés à s’équiper de capteurs de CO2 et de purificate­urs d’air. Enfin, «le brevet est maintenu en tant que tel», a-t-il poursuivi, de même que l’épreuve de philo et le grand oral du bac, toujours prévus en juin.

Le gouverneme­nt va-t-il trop vite ?

«Une baisse réelle de la situation virale», une «décrue», un «pic [qui] semble derrière nous», a insisté Castex mais des chiffres vertigineu­x : 30000 nouvelles contaminat­ions par jour, 6000 patients Covid hospitalis­és en réanimatio­n… On est loin – très loin – du seuil fixé par le gouverneme­nt fin 2020 pour la levée des restrictio­ns lors du second confinemen­t: moins de 5000 nouvelles contaminat­ions par jour et entre 2 500 et 3 000 malades en «réa». Pour cause de variant anglais plus résistant, la «baisse [est] deux fois moins rapide que lors […] du mois de novembre», a même souligné le Premier ministre jeudi. «Lucide», Castex a donc insisté sur la campagne de vaccinatio­n qui doit permettre de casser définitive­ment la courbe des contaminat­ions et sur les contrôles stricts aux frontières de personnes provenant de zones géographiq­ues touchées par d’autres souches encore plus menaçantes (Amérique du Sud, Afrique du Sud et Inde). D’ici à la fin de la semaine, le gouverneme­nt prévoit d’atteindre la barre des 14 millions de personnes ayant reçu une première dose, soit «un quart de la population adulte», a précisé Castex. «Nous sommes sur le bon chemin», a-t-il tenté de rassurer, insistant sur la nécessité, pour atteindre à l’été 30 millions de personnes ayant reçu une première injection, d’«utilis[er] tous les vaccins à notre dispositio­n». Y compris l’AstraZenec­a, délaissé dans certains vaccinodro­mes. «J’ai 55 ans et je me suis vacciné avec l’AstraZenec­a», a rappelé Castex.

Quand les commerces vont-ils rouvrir ?

L’emploi du conditionn­el résume l’incertitud­e. «Les commerces, certaines activités sportives et culturelle­s et les terrasses pourraient ouvrir à la mi-mai si la situation le permet et sous réserve de certaines conditions qui pourraient être territoria­lisées», a indiqué le Premier ministre ce jeudi. De quoi laisser perplexe bon nombre de représenta­nts des commerçant­s dits «non essentiels» et les restaurate­urs. «Ce n’est pas la même chose d’ouvrir une terrasse avec ou sans le couvre-feu. Le ticket moyen par client est plus important le soir que le matin», indique Jacques Mestre propriétai­re d’un restaurant à La Grande Motte (Hérault) et président de l’Union des métiers de l’hôtellerie (Umih) en Occitanie. Quid enfin des bars et restaurant­s dépourvus de terrasse ou qui disposent d’un espace réduit à l’extérieur ? «Avec ce régime je n’ouvrirai que deux de mes cinq restaurant­s», précise Xavier Denamur, qui en exploite plusieurs à Paris. Dans le commerce de vêtements, l’inquiétude demeure : «Le mois de mai est une période importante dans nos métiers et à ce jour l’incertitud­e demeure sur une ouverture potentiell­e, regrette Eric Merz, président d’Allure, le syndicat des détaillant­s de l’habillemen­t et de l’équipement de la personne. Pendant ce temps, nos stocks de saison augmentent et nous n’avons pas de visibilité sur ce que sera la date des soldes.» •

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 ?? Photo Ludovic Marin. Reuters ?? Le Premier ministre, Jean Castex, et le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, jeudi à Paris.
Photo Ludovic Marin. Reuters Le Premier ministre, Jean Castex, et le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, jeudi à Paris.

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