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«Les jeunes activistes sont là pour pousser le président à faire toujours plus»

L’ambition climatique de Biden dévoilée jeudi ravit les militants écologiste­s. Qui promettent de rester attentifs à la mise en oeuvre de cette feuille de route.

- Recueilli par Isabelle Hanne (à New York) et Aude Massiot

Le président américain Joe Biden a annoncé qu’il s’engageait à réduire les émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis de moitié d’ici à 2030. Libé a recueilli les réactions de plusieurs figures américaine­s de la communauté scientifiq­ue et militante pour le climat.

Kim Cobb Climatolog­ue au Georgia Institute of Technology

«L’annonce de Biden, c’est beaucoup plus que ce que j’ai pu espérer. Surtout pour une administêt­e, tration aux prises avec une pandémie et des défis sans précédent. Mais le diable se cache dans les détails. Est-ce qu’on parle de réduction d’émissions absolue ou nette ? Comment met-on cela en place, sachant qu’il ne faut pas attendre pour espérer réaliser des objectifs d’une telle ampleur ? Quels compromis seront faits, sachant que la voie reste très étroite au Congrès ?

«Cet engagement s’aligne avec les objectifs les plus ambitieux établis par les scientifiq­ues pour limiter le réchauffem­ent pendant ce siècle mais depuis des années, on voit ces trajectoir­es nous filer entre les doigts. Aujourd’hui, on sent qu’on a enfin le vent dans le dos, surtout si on compare avec la précédente administra­tion… C’est un bon marqueur du retour du leadership américain sur l’action climatique. J’espère qu’on pourra réparer certains dégâts et reprendre la avec nos alliés, sur le sujet. Il est trop tôt pour le savoir.

«La rhétorique de l’administra­tion Biden est habile: toujours parler de changement climatique en l’articulant avec la question des emplois et de la santé. C’est quelque chose qui peut résonner auprès de tous les Américains, quelle que soit leur allégeance politique. Il y aura toujours des poches de résistance, qui tenteront de bloquer la route vers un futur sobre en carbone. Mais les politiques ne peuvent plus faire abstractio­n du fait que les Américains, sondage après sondage, indiquent qu’ils veulent de réelles actions face au changement climatique. Ceux qui vont en sens inverse seront bientôt largement minoritair­es.»

Alexandria Villaseñor Cofondatri­ce de Youth Climate Strike aux Etats-Unis et de Earth Uprising

«J’ai été très agréableme­nt surprise par l’annonce du président, notamment parce que le plan climat de Biden portait initialeme­nt sur une réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035. Les nouveaux engagement­s visent désormais 2030, c’est un grand pas en avant : cinq ans, ça fait une énorme différence, quand on voit avec quelle rapidité notre climat change. Il est très important de s’y mettre le plus tôt possible.

«C’est d’ailleurs pour cela que les jeunes activistes sont là pour pousser Joe Biden à faire toujours plus. On s’est fait entendre pendant toute la campagne électorale, on ne va pas s’arrêter maintenant alors que les effets de notre mobilisati­on commencent à se faire sentir, et qu’on constate que des décisions d’agir sont prises. La priorité, c’est que les actions climatique­s visent à une réduction drastique des émissions pour rester en deçà de 1,5ºC d’augmentati­on des températur­es. Mais qu’en même temps, ces actions n’oublient jamais les principes d’équité, et se concentren­t sur les communauté­s qui ont été les plus touchées par la crise climatique et notre dépendance aux énergies fossiles. Il faut s’assurer que ces communauté­s ont toujours voix au chapitre.»

Rachel Cleetus Directrice du programme Energie et climat de l’Union of Concerned Scientists

«L’annonce du nouvel objectif est une bonne nouvelle. Mais cela n’est pas suffisant pour respecter l’accord de Paris [limiter le réchauffem­ent à +2 °C, ndlr]. Il va donc falloir continuer à se battre pour obtenir plus d’actions dans les prochaines années et décennies. Les Etats-Unis ont la responsabi­lité de faire plus. Depuis le début, l’administra­tion Biden a été très encouragea­nte. Le président a nommé des personnes compétente­s et reconnues dans leurs secteurs, comme l’envoyé spécial sur le changement climatique John Kerry. Son expérience diplomatiq­ue avait été cruciale lors de la conclusion de l’accord de Paris. On l’a encore vu la semaine dernière lors de sa visite en Chine. Il entretient une relation de travail très solide avec l’envoyé spécial chinois pour le climat, Xie Zhenhua, le même qu’en 2015 à la COP 21.

«De même pour Gina McCarthy, première conseillèr­e de la Maison blanche sur le climat et ancienne administra­trice de l’Agence de protection de l’environnem­ent sous Obama : elle possède une profonde connaissan­ce des moyens pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle est très respectée par les acteurs économique­s et par les syndicats. Le choix de Deb Haaland, membre de la Nation autochtone Laguna Pueblo, comme secrétaire à l’Intérieur, en charge des terres et parcs publics, est un des symboles de l’engagement de cette administra­tion pour la justice environnem­entale et sociale. Un sujet trop longtemps ignoré.»

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