«Les jeunes activistes sont là pour pousser le président à faire toujours plus»
L’ambition climatique de Biden dévoilée jeudi ravit les militants écologistes. Qui promettent de rester attentifs à la mise en oeuvre de cette feuille de route.
Le président américain Joe Biden a annoncé qu’il s’engageait à réduire les émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis de moitié d’ici à 2030. Libé a recueilli les réactions de plusieurs figures américaines de la communauté scientifique et militante pour le climat.
Kim Cobb Climatologue au Georgia Institute of Technology
«L’annonce de Biden, c’est beaucoup plus que ce que j’ai pu espérer. Surtout pour une administête, tration aux prises avec une pandémie et des défis sans précédent. Mais le diable se cache dans les détails. Est-ce qu’on parle de réduction d’émissions absolue ou nette ? Comment met-on cela en place, sachant qu’il ne faut pas attendre pour espérer réaliser des objectifs d’une telle ampleur ? Quels compromis seront faits, sachant que la voie reste très étroite au Congrès ?
«Cet engagement s’aligne avec les objectifs les plus ambitieux établis par les scientifiques pour limiter le réchauffement pendant ce siècle mais depuis des années, on voit ces trajectoires nous filer entre les doigts. Aujourd’hui, on sent qu’on a enfin le vent dans le dos, surtout si on compare avec la précédente administration… C’est un bon marqueur du retour du leadership américain sur l’action climatique. J’espère qu’on pourra réparer certains dégâts et reprendre la avec nos alliés, sur le sujet. Il est trop tôt pour le savoir.
«La rhétorique de l’administration Biden est habile: toujours parler de changement climatique en l’articulant avec la question des emplois et de la santé. C’est quelque chose qui peut résonner auprès de tous les Américains, quelle que soit leur allégeance politique. Il y aura toujours des poches de résistance, qui tenteront de bloquer la route vers un futur sobre en carbone. Mais les politiques ne peuvent plus faire abstraction du fait que les Américains, sondage après sondage, indiquent qu’ils veulent de réelles actions face au changement climatique. Ceux qui vont en sens inverse seront bientôt largement minoritaires.»
Alexandria Villaseñor Cofondatrice de Youth Climate Strike aux Etats-Unis et de Earth Uprising
«J’ai été très agréablement surprise par l’annonce du président, notamment parce que le plan climat de Biden portait initialement sur une réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035. Les nouveaux engagements visent désormais 2030, c’est un grand pas en avant : cinq ans, ça fait une énorme différence, quand on voit avec quelle rapidité notre climat change. Il est très important de s’y mettre le plus tôt possible.
«C’est d’ailleurs pour cela que les jeunes activistes sont là pour pousser Joe Biden à faire toujours plus. On s’est fait entendre pendant toute la campagne électorale, on ne va pas s’arrêter maintenant alors que les effets de notre mobilisation commencent à se faire sentir, et qu’on constate que des décisions d’agir sont prises. La priorité, c’est que les actions climatiques visent à une réduction drastique des émissions pour rester en deçà de 1,5ºC d’augmentation des températures. Mais qu’en même temps, ces actions n’oublient jamais les principes d’équité, et se concentrent sur les communautés qui ont été les plus touchées par la crise climatique et notre dépendance aux énergies fossiles. Il faut s’assurer que ces communautés ont toujours voix au chapitre.»
Rachel Cleetus Directrice du programme Energie et climat de l’Union of Concerned Scientists
«L’annonce du nouvel objectif est une bonne nouvelle. Mais cela n’est pas suffisant pour respecter l’accord de Paris [limiter le réchauffement à +2 °C, ndlr]. Il va donc falloir continuer à se battre pour obtenir plus d’actions dans les prochaines années et décennies. Les Etats-Unis ont la responsabilité de faire plus. Depuis le début, l’administration Biden a été très encourageante. Le président a nommé des personnes compétentes et reconnues dans leurs secteurs, comme l’envoyé spécial sur le changement climatique John Kerry. Son expérience diplomatique avait été cruciale lors de la conclusion de l’accord de Paris. On l’a encore vu la semaine dernière lors de sa visite en Chine. Il entretient une relation de travail très solide avec l’envoyé spécial chinois pour le climat, Xie Zhenhua, le même qu’en 2015 à la COP 21.
«De même pour Gina McCarthy, première conseillère de la Maison blanche sur le climat et ancienne administratrice de l’Agence de protection de l’environnement sous Obama : elle possède une profonde connaissance des moyens pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle est très respectée par les acteurs économiques et par les syndicats. Le choix de Deb Haaland, membre de la Nation autochtone Laguna Pueblo, comme secrétaire à l’Intérieur, en charge des terres et parcs publics, est un des symboles de l’engagement de cette administration pour la justice environnementale et sociale. Un sujet trop longtemps ignoré.»