Libération

Bruxelles cherche à verdir les investisse­ments financiers

La Commission a adopté mercredi une première série de critères censés déterminer les projets permettant de lutter contre le changement climatique ou de s’y adapter. Mais elle a reporté sa décision sur le gaz fossile et l’énergie nucléaire.

- Coralie Schaub

Comment réorienter les flux financiers vers des technologi­es et entreprise­s respectueu­ses de l’environnem­ent? C’est tout l’enjeu de la création de la «taxonomie verte» de l’Union européenne: un système de classifica­tion d’activités économique­s jugées «durables» écologique­ment. Avec l’idée que cela incite les investisse­urs à privilégie­r les activités inclues dans cette classifica­tion. D’où une bataille acharnée de la part de certains secteurs, comme le nucléaire ou le gaz, pour en faire partie.

«Réexamen régulier».

Une première série de critères, déterminan­t quelles activités permettent de lutter contre le changement climatique, a été adoptée mercredi par la Commission

européenne. Fondés sur les avis scientifiq­ues du groupe d’experts techniques (TEG) sur la finance durable, ils concernent, précise Bruxelles, «les activités économique­s de quelque 40% des sociétés cotées dans les secteurs responsabl­es de près de 80 % des émissions directes de gaz à effet de serre (GES) en Europe (énergie, sylvicultu­re, industrie manufactur­ière, transports, constructi­on)».

Le document dans lequel figurent ces critères «sera amené à changer au fil du temps», selon la Commission européenne, qui précise qu’ils «feront l’objet d’un réexamen régulier» et qu’il sera «possible […] de faire entrer dans leur champ d’applicatio­n de nouveaux secteurs et de nouvelles activités».

De quoi laisser présager de futures bagarres, notamment au sujet de l’énergie nucléaire et du gaz fossile. Pour l’heure, la Commission a reporté sa décision sur ces deux secteurs, tant celle-ci est délicate et oppose les lobbys industriel­s, certains Etats, et les ONG. Présenté par ses partisans comme une énergie de transition pour sortir du charbon et du pétrole, le gaz fera l’objet d’un texte complément­aire qui sera «adopté plus tard cette année». Pour se prononcer sur le nucléaire, la Commission attend les conclusion­s de deux groupes d’experts indépendan­ts sur les impacts environnem­entaux de cette énergie, présentée par ses défenseurs comme «décarbonée».

«Greenwashi­ng».

Mercredi, l’UE a «créé un précédent important en se dotant du premier registre mondial des investisse­ments “verts”», estiment les ONG membres du Réseau Action Climat (RAC). Mais «les conditions pour réorienter la finance vers la transition écologique ne sont pas réunies», déplorent-elles. Elles voient deux raisons à cela. Tout d’abord, «en accédant à la demande de la France [très active pour que le nucléaire soit labellisé comme “vert”, ndlr] et en laissant la porte ouverte à l’inclusion du gaz fossile et du nucléaire dès l’été, la Commission risque de décrédibil­iser cet outil et d’en faire un instrument de greenwashi­ng pour les industries polluantes». Ensuite, les ONG déplorent que des «critères désastreux» aient été retenus pour les secteurs de la forêt et de la bioénergie, poussant certaines d’entre elles, dont le WWF ou Greenpeace, à appeler le Conseil et le Parlement européens à rejeter le document, soulignant que ces critères permettrai­ent de labelliser comme «vert» «quasiment tous les types d’exploitati­on du bois et de combustion des arbres pour produire de l’énergie, ce qui peut émettre plus de GES que le charbon». Un débat loin d’être terminé.

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Photo FRED DUFOUR. AFP Une centrale électrique à Cangzhou, dans la province du Heibei, en novembre 2015.

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