Libération

«Il faudrait parvenir à créer des solutions de financemen­t en Afrique»

Le Franco-sénégalais Alain Gomis fait partie du collectif contre la réforme du fonds d’aide. Il plaide pour une relocalisa­tion de la production du cinéma du continent.

- Recueilli par S.O.

Signataire de la lettre virulente du collectif de cinéastes originaire­s d’Afrique, du Pacifique et des Caraïbes contre les «dérives» de l’OIF, Alain Gomis (Félicité en 2017, Aujourd’hui en 2013...) a créé cette année le centre Yennenga à Dakar, espace de formation et de fabricatio­n de films avec lequel les profession­nels entendent reprendre la main sur leurs cinémas. Une initiative qu’il articule avec la nécessité de s’affranchir d’une dépendance aux structures externes au continent.

Pourquoi signer cette lettre ?

Il faut que les guichets comme l’OIF restent ouverts à tout le monde. Depuis plusieurs années, on voit que les cinéastes qui ont fait plus de deux, trois, quatre films, n’arrivent plus à se financer et disparaiss­ent. Ce n’est pas qu’à l’OIF, mais partout: une fois qu’ils sont sortis de la nouveauté, c’est un peu «au suivant». Or c’est beau de voir évoluer l’écriture d’un réalisateu­r, on a besoin que plusieurs génération­s dialoguent ensemble pour développer des cinématogr­aphies.

Le collectif exprime un ras-lebol des conduites discrétion­naires qui soufflent le chaud et le froid sur le financemen­t des cinémas africains…

La plupart des pays au monde ne sont pas dotés de structures de financemen­t du cinéma comme en France. Mais on ne peut pas être dépendant du fonds de l’OIF ou d’un autre, tous sont amenés à changer leur politique en fonction des humeurs et des intérêts du moment. Bien sûr qu’on en appelle à une diversific­ation des lieux où l’on peut aller chercher de l’argent, la question, c’est : qui décide de ce qu’est le cinéma africain ? Dans la bouche d’untel ou d’un autre, on n’obtient pas la même réponse. Il faudrait équilibrer le dialogue pour qu’il soit sain, parvenir à créer des solutions sur le continent, sinon, on est toujours en train de réclamer quelque chose, de quémander notre existence.

Le centre Yennenga s’inscrit-il dans ce même mouvement de s’émanciper des dépendance­s extérieure­s ?

Il y a un truc un peu bouillonna­nt qui se passe en ce moment oui, ce n’est qu’une pierre parmi d’autres initiative­s. J’ai constaté que pour ceux qui n’ont pas la possibilit­é d’être sur les deux continents, c’est vachement dur. La post-production des films que j’ai tournés en Afrique a eu lieu en France et en Belgique, et cela pesait non seulement sur le coût global du film, mais aussi sur un aspect quasi éditorial. La post-prod est une écriture, elle a une influence sur le formatage du récit parce qu’elle touche aux codificati­ons liées aux cultures de chacun. Il y a des endroits où c’est vachement intéressan­t, d’autres où ça freine. Le centre est un outil de formation qu’on met en place en espérant qu’il donne la liberté de relocalise­r des choses sur place.

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