Libération

Matthieu de Montchalin, L’Armitière à rouen

«Sans la loi Lang, ma librairie n’existerait plus»

- Frédérique Roussel

«La loi Lang est le principal totem de notre métier, notre ADN. Sans elle, le tissu le plus dense de librairies indépendan­tes au monde aurait été réduit de moitié ou davantage. Nous aurions été comme les disquaires ou les librairies anglaises. Sans la loi Lang, l’Armitière n’existerait plus. Le principal avantage de cette loi, c’est que le choix se fait sur le service et pas sur le prix. Avec Internet, être indépendan­t si vous devez vous battre sur les prix est une guerre perdue d’avance. Il n’y aurait pas 3 000 librairies indépendan­tes si la loi n’existait pas, autant d’éditeurs, autant d’auteurs, 70 000 livres publiés par an… La librairie est le maillon le plus faible de la chaîne du livre et, selon un classement de la Banque de France, le commerce le moins rentable de centre-ville. Un libraire qui commence son exploitati­on au 1er janvier atteint le point mort le 27 décembre à 17 heures, et encore il ne faut pas qu’il neige la dernière semaine ! «La loi Lang a permis de protéger tous les maillons de la chaîne. Des éditeurs comme Gallmeiste­r, Liana Levi ou l’Ecole des loisirs auraient du mal à n’exister que sur Amazon, la Fnac ou Carrefour. C’est la force de notre métier, une forme de solidarité obligatoir­e entre tous les partenaire­s. Grâce à la loi Lang, un habitant du fin fond de la Creuse paye un livre de poche le même prix qu’un habitant du VIe à Paris, et ce ne serait sans doute pas le cas si les prix étaient libres. Partout où je suis allé dans le monde quand j’étais président du Syndicat de la librairie française, on prenait la France pour un paradis de libraires. «Mais on ne doit pas s’arrêter à la loi Lang, notre héritage, il faut s’appuyer dessus pour être inventif. Elle a changé le visage des librairies qui ressemblai­ent avant les années 80 davantage à des pharmacies, avec une atmosphère solennelle, sans le droit de toucher les livres. Cette version a explosé avec l’arrivée de la Fnac et on a inventé des librairies modernes, puis de vrais lieux de vie dans les années 2000.

J’espère qu’une nouvelle génération de libraires post-Covid inventera encore à l’heure d’Internet, d’Amazon, des écrans. Dans vingt ans, l’Armitière aura dû se réinventer.

«Le livre en France n’est pas plus cher qu’ailleurs, et on a plus de libraires, plus d’éditeurs, plus d’auteurs. La concurrenc­e entre éditeurs a permis de ne pas faire flamber les prix. Le prix des livres a ainsi augmenté moins vite que l’inflation depuis 1981. Un livre de poche coûte moins cher qu’un paquet de cigarettes ; il y a trente ans, il en coûtait le double. Aujourd’hui, on a quarante ans de recul: jamais le livre n’a entraîné une hausse de prix. En plus, c’est un sujet qui fait consensus. Depuis 1981, toutes les lois sur le livre ont été votées indépendam­ment des appartenan­ces politiques.»

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France