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«Il y a une inégalité de traitement entre demandeurs d’emploi»

Pour la secrétaire générale adjointe de la CFDT Marylise Léon, la réforme de l’assurance chômage, et notamment le nouveau mode de calcul de l’allocation versée, pénalise les plus précaires.

- Recueilli par F.Du.

La CFDT n’appelait pas à manifester vendredi contre la réforme de l’assurance chômage, mais elle a décidé de se joindre aux autres syndicats qui s’apprêtent à attaquer une nouvelle fois ce texte devant le Conseil d’Etat. Dans leur viseur : le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), qui détermine le montant de l’allocation. A compter du 1er juillet et pour 1,15 million de demandeurs d’emploi, cette dernière pourrait être inférieure de 17 % à ce à quoi ils auraient eu droit avec le système actuel. Secrétaire nationale de la CFDT, Marylise Léon représente le syndicat dans les discussion­s avec le ministère du Travail.

Laurent Berger a annoncé que la CFDT allait, comme la CGT, Solidaires, FO et la CFE-CGC, déposer un recours devant le Conseil d’Etat contre la réforme de l’assurance chômage. Sur quels fondements? Le recours portera sur les effets et les principes de la réforme. D’une part, on considère qu’il y a toujours, malgré l’instaurati­on d’un plancher pour limiter les effets du nouveau mode de calcul du SJR, une inégalité de traitement entre demandeurs d’emploi. D’autre part, on va soulever le fait que cette réforme cible les plus précaires, en sous-entendant que les demandeurs d’emploi ont une part de responsabi­lité dans le fait qu’ils prennent des contrats courts. C’est un principe avec lequel on est en profond désaccord.

La ministre du Travail dit pour sa part que la réforme vise à rétablir de l’équité entre certains travailleu­rs, comme ceux qui travaillen­t tous les jours à mi-temps et ceux qui travaillen­t un jour sur deux et qui toucheraie­nt selon elle des indemnités très différente­s…

Elle compare des choses incomparab­les ! Il y a une différence entre quelqu’un en CDI à temps partiel et quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il va faire dans trois jours. Des travailleu­rs qui enchaînent deux jours et demi toutes les semaines en sachant qu’ils vont bosser la semaine suivante, ça existe, on appelle ça les «relations suivies», mais c’est extrêmemen­t rare. Il suffit d’aller dans une agence Pôle Emploi pour le constater. Un demandeur d’emploi ne se dit pas: «Sur un mois, combien de jours je vais faire chez tel employeur ?» Il raisonne en heures : «Combien d’heures je vais pouvoir faire pour ouvrir des droits ?» C’est du grignotage quotidien. Alors oui, sur un tableau, il y a un écart. Mais derrière les tableaux, il y a ce que vivent les gens et la façon dont ça se passe vraiment dans les entreprise­s. Et le principe du régime d’assurance chômage, c’est de prendre en compte ce que vivent les gens. Comptez-vous aussi attaquer les effets pervers du nouveau mode de calcul du SJR pour les personnes ayant été placées en chômage partiel ou ayant pris des congés parentaux? La ministre du Travail s’est dit prête à corriger le tir sur ce point…

Ça fait aussi partie des critères qu’on compte attaquer. Si le ministère souhaite prendre en compte les alertes que nous avons faites depuis de nombreux mois, charge à lui de trouver des solutions et de remédier à cette situation.

Elisabeth Borne conteste avoir été avertie depuis plusieurs mois…

Je sais que les services de l’Unédic ont informé la DGEFP [la Direction générale à l’emploi et à la formation profession­nelle, qui est rattachée au ministère du Travail, ndlr] depuis novembre. Pour notre part, nous avons alerté sur ce sujet à l’occasion de réunions multilatér­ales et bilatérale­s avec les conseiller­s du ministère. On a des notes qui datent de 2020 et qui confirment que les alertes ont été faites avant ce mois d’avril.

Par ailleurs, on a aussi mis en garde contre d’autres sujets qui n’ont pas été pris en compte. Par exemple, sur les droits rechargeab­les : ce mécanisme permettait, quand vous repreniez un emploi, de recharger vos droits au bout d’un mois de travail. La réforme a quasiment supprimé ça, puisque les conditions de rechargeme­nt sont passées à quatre mois. Donc les demandeurs d’emploi repartent presque de zéro à chaque fois.

On a aussi alerté sur le fait que le cumul emploichôm­age, qui permet de remettre un pied dans l’entreprise en touchant un complément de Pôle Emploi, n’aura plus aucun intérêt demain avec le nouveau calcul du SJR. On a d’ailleurs été alertés par des conseiller­s Pôle Emploi, qui savent déjà que ça va être très compliqué d’inciter les gens à reprendre un emploi avec ce nouveau système. Non pas car les demandeurs d’emploi ne veulent pas bosser, mais parce qu’ils ne pourront pas se permettre d’avoir une allocation insuffisan­te tout en travaillan­t. Pourquoi la CFDT dépose-telle un recours maintenant et pas à l’automne quand les autres syndicats avaient mené une première offensive ?

A l’époque, on avait estimé qu’il n’y avait pas juridiquem­ent matière à attaquer. Mais aujourd’hui, la réforme «adoucie» arrive dans un autre contexte. Ses conséquenc­es sont encore plus graves, vu la conjonctur­e et les incertitud­es sur la reprise économique. Si on écoute le gouverneme­nt, au 1er juillet, l’emploi repart. C’est un pari extrêmemen­t risqué.

Le cauchemar des supporteur­s est en train de prendre forme. Jeudi, le fonds d’investisse­ment américain a annoncé qu’il ne souhaitait «plus soutenir le club». Au moment où ce dernier lutte pour son maintien en L1, le voilà plongé dans l’incertitud­e, avec son destin entre les mains du tribunal de commerce.

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Photo AFP

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