Libération

Jérusalem : «Ce ramadan, les émotions sont à vif après la pandémie»

- Nicolas Rouger (à Jérusalem)

Plus d’une centaine de blessés, essentiell­ement palest iniens, ainsi que 20 policiers. Plus d’une cinquantai­ne d’arrestatio­ns. Jeudi soir, Jérusalem a été le théâtre de violentes émeutes, alors que militants ultranatio­nalistes juifs et jeunes Palestinie­ns étaient descendus dans la rue, avant d’en venir aux mains avec les forces de l’ordre. Dix jours plus tôt, la décision de la police israélienn­e de bloquer les marches de la porte de Damas avait allumé la mèche. Cette entrée principale de la Vieille Ville est un centre névralgiqu­e de la vie publique palestinie­nne, un endroit symbolique et un lieu de vie sociale important, surtout pendant le ramadan. Depuis, les accrochage­s entre la police et de jeunes Palestinie­ns sont quotidiens. «C’est leur façon de dire, c’est notre ville, vous ne pouvez pas nous empêcher de nous asseoir ici, explique Zakariah Odeh, coordinate­ur de la Coalition civique pour les droits des Palestinie­ns à Jérusalem-Est. C’est une forme de résistance.» «Le ramadan est toujours un moment tendu à Jérusalem et les émotions sont à vif aussi, après la pandémie», analyse le journalist­e Nir Hasson.

Dans un challenge sur TikTok, des jeunes Palestinie­ns avaient relayé des vidéos d’attaque sur des juifs israéliens –dont une spécifique­ment, où un garçon ultraortho­doxe se faisait violemment gifler dans le tramway. Les vidéos ont provoqué l’indignatio­n. Jeudi soir, l’organisati­on d’extrême droite juive Lehava avait appelé à un rassemblem­ent : une marche de Jérusalem-Ouest vers la porte de Damas, à partir de 22 heures, juste à la fin de la prière nocturne sur l’esplanade des Mosquées qui marque la rupture du jeûne. En réponse, un message était passé sur les réseaux sociaux palestinie­ns pour venir les confronter. Une heure plus tard, 50 mètres à peine et des centaines de policiers séparaient les deux marches. Bentzi Gophstein, le chef de Lehava, paradait en première ligne, poussé par la masse de ses jeunes partisans pleins de ferveur et repoussés par les forces de l’ordre. Des deux côtés, des charges de police montée étaient suivies de grenades assourdiss­antes et de gaz lacrymogèn­e. Les canons à eau faisaient des allers-retours sur les axes longeant les murs de la Vieille Ville. Côté palestinie­n, les affronteme­nts sont souvent devenus violents. Chez les ultranatio­nalistes israéliens, dont beaucoup étaient très jeunes, la violence était surtout verbale, le slogan «Mort aux Arabes!» scandé de manière presque automatiqu­e.

Depuis les élections le 23 mars, et l’entrée à la Knesset d’un nombre record de députés d’extrême droite, les mouvements radicaux du sionisme religieux se sentent galvanisés.

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