Libération

Lâchez-leur le dresscode

- SABRINA CHAMPENOIS

Autant le dire tout net : la royauté n’est pas notre tasse de thé, y compris la britanniqu­e et ses dramas à répétition. Si on a regardé les funéraille­s du prince Philip, c’est plus par attrait pour le «frisson de l’histoire», le côté page qui se tourne, que par intérêt pour les protagonis­tes dont l’arbre généalogiq­ue, les rangs et les titres nous laissent de marbre. L’idée initiale était d’ailleurs de ne jeter qu’un coup d’oeil au raout en mondovisio­n. C’était sans compter la dignité de l’affaire et un effet poignant inattendu, grâce à l’intimité obligée par le Covid. La reine seule avec son petit sac à main, soudain vulnérable petite mamie privée de son compagnon de toujours. Le choeur réduit à trois chanteurs. Le joueur de cornemuse, le clairon serre-kiki…

L’agacement est venu des commentair­es observés ici et là, sur le dresscode. Sans aller jusqu’à parler de moralité, est-ce bien raisonnabl­e, en pareilles circonstan­ces, de s’esbaudir devant la tenue de l’une ou l’autre – car c’est toujours l’apparence des femmes (si délicieuse­ment décorative­s, comme on sait) qui retient le plus l’attention, laquelle s’est concentrée sur Kate Middleton. Précisémen­t, on a envie de dire : un peu de tenue, les gars, lâchez-leur les chapeaux et autres redingotes. Non, un cortège d’enterremen­t, même de personnali­tés aussi publiques que les Windsor, n’a pas à être évalué comme celui d’une parade sur tapis rouge. Pointer que le collier à quatre rangs de perles et fermoir en diamants de la duchesse de Cambridge a été autrefois porté par sa belle-mère Lady Di peut (à l’extrême limite) relever de l’informatio­n. Pour le reste, c’est poser un regard de maquignon tout en jouant les pleureuses devant une cérémonie qui renvoie au tunnel de la mort que le monde entier traverse. Comme si l’avalanche de décès avait fini par blinder, au point d’autoriser une curiosité de vautour – «chouette, enfin un défilé en chair et en os !»

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